Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 89

THÈME 3 - Le préjudice d'angoisse

recensés. L'exemple peut être donné de la reconnaissance du préjudice sexuel qui a
gagné son indépendance vis-à-vis du préjudice d'agrément pour se voir indemniser à
part entière. Les préjudices moraux découlant d'une atteinte à l'intégrité physique sont
désormais inclus dans la nouvelle nomenclature Dintilhac. Ils trouvent particulièrement
leur place au sein du poste des « souffrances endurées » incluant « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la
victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa
consolidation ». Après consolidation, ils relèvent néanmoins du poste de « déficit fonctionnel permanent ». Il faut cependant souligner le caractère non exhaustif de cette liste
dotée d'un caractère évolutif. L'article 2 du projet précise expressément que la nomenclature « ne fait pas obstacle à la détermination d'un chef de préjudice ne figurant pas
dans cette annexe ». Il suffira de démontrer un préjudice exceptionnel pour faire reconnaître de nouveaux préjudices moraux. La question s'est d'ailleurs posée de l'existence et
de l'autonomie au sein du poste de « souffrances endurées » de ce que l'on a appelé le
« préjudice de vie abrégée ». Les demandes d'indemnisation de ce préjudice d'un
nouveau genre fleurissent régulièrement dans les conclusions. Un tel dommage
constitue-t-il un préjudice moral réparable et dans quelle mesure ? Il faut d'abord
revenir sur sa définition précise ainsi que sur sa place au sein du droit de la responsabilité. À plusieurs reprises, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur cette
question. Chaque fois, cela a concerné de jeunes victimes d'accidents tragiques qui ne
sont pas décédées instantanément mais ont eu le temps, au contraire, d'appréhender
l'idée de leur propre fin à venir. C'est précisément ce laps de temps entre l'accident et
la survenance du décès qui a conduit à imaginer qu'un tel préjudice avait été causé.
Chaque fois, les ayants droit ont porté une partie de leurs demandes de réparation au
titre de l'action successorale sur le fondement d'un « préjudice de vie abrégée », d'une
« perte de chance de vie non abrégée » voire encore « d'une angoisse de vie abrégée ».
On ne peut nier qu'un certain désordre règne dans l'utilisation de ces termes et la détermination précise de ce qu'ils recouvrent. Une lecture attentive des arrêts témoigne en
effet de la confusion sémantique. Sont indifféremment invoqués « la perte de chance
de survie », « le préjudice de vie abrégée » ou encore la « souffrance morale liée à la
conscience de mort imminente ». Il convient donc, avant de s'interroger sur sa reconnaissance, de lever la confusion sur ce préjudice d'un nouveau genre, susceptible d'intégrer les « souffrances endurées » de la nomenclature Dintilhac. Quand est évoqué le
dommage causé lorsque, par la faute d'un autre, une personne se rend compte qu'elle
ne vivra pas aussi longtemps qu'elle aurait sans doute pu, ce sont en réalité, sous une
apparence unique, deux préjudices distincts qu'il faut identifier. Les actions successorales étudiées ont d'ailleurs bien précisé ce double terrain ; d'une part, les requérants
ont fait valoir le préjudice de vie abrégée de la victime résultant de la confrontation à
l'angoisse de sa mort, c'est-à-dire la souffrance qu'elle a subie en comprenant, après le
choc, que sa vie va s'interrompre à jamais ; d'autre part, ils ont argué de la « perte de
chance d'une vie non abrégée », autrement dit, la perte d'une chance de vivre une vie
qui aurait été plus longue. Le risque d'aboutir à indemniser plusieurs fois le même préjudice appelle une clarification nette de chacun de ces fondements. La Cour de cassation a
admis le poste de préjudice d'angoisse de mort imminente pour donner lieu à la réparation de la souffrance morale éprouvée par la victime ayant conscience de sa perte de
chance de survie. Mais les juges de la Haute Cour ont, dans le même temps, systématiquement refusé de reconnaître dans « la perte de chance de survie » un préjudice

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