Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 90

NOTE DE SYNTHÈSE

indemnisable. Il apparaît que c'est l'impossible consécration d'un préjudice d'espérance
de vie réduite (1) qui conduit à un glissement vers la prise en compte de la souffrance
liée à la conscience de cette espérance de vie réduite comme un préjudice réparable
(2), ce qui appelle plusieurs observations.
1. Le rejet d'un préjudice d'espérance de vie abrégée
2. - Des données statistiques et des tables de mortalité établies par l'INSEE, on pourrait
déduire la possibilité de retenir une espérance de vie déterminée civilement protégée.
Chacun aurait un droit acquis à vivre une durée de vie moyenne. L'idée est séduisante
et interroge sur l'opportunité de sa réparation. À différents égards néanmoins, le
pretium mortis ne peut se voir accorder la qualité de dommage réparable (A). Pour
contourner cette impossibilité, certains plaideurs se sont engouffrés dans la brèche en
tentant d'avancer que la victime qui a survécu quelques minutes ne subissait pas un
préjudice de mort mais qu'elle perdait alors une chance de vivre plus longtemps
jusqu'à un âge statistiquement déterminé. Pourtant, la survenance de la mort imminente par la faute d'un autre, en ce qu'elle fait perdre la chance d'une vie non
abrégée, s'est systématiquement vu refuser cette protection (B).
A. - L'irréparabilité du pretium mortis
3. - Bien que mourir, parmi les souffrances morales indemnisables, puisse apparaître
comme le dommage le plus important dont une personne ait à souffrir, il n'existe pas,
en droit français, de pretium mortis. Il est évident que lorsqu'elle est instantanée, la
mort ne saurait s'analyser en un dommage juridiquement réparable. Les arguments
avancés tiennent à deux raisons majeures d'ordre chronologique. En premier lieu, la
victime décédée ne peut éprouver dans le temps la souffrance de sa propre mort dès
lors que celle-ci est concomitante à la mort elle-même. Il s'agit, par essence, d'un préjudice que l'on ne peut ressentir. Cette analyse fait écho à une jurisprudence constante de
la Cour de cassation qui juge, pour cette même raison, que les héritiers ne sont pas recevables à solliciter l'indemnisation du préjudice moral subi par le de cujus s'il est décédé
concomitamment à l'infraction, ce que l'on ne peut qu'approuver. En second lieu, et
découlant de ce premier constat, le préjudice s'étant réalisé au moment de la mort de
la victime, aucun droit à indemnité n'a eu le temps d'entrer dans son patrimoine pour
être transmis à ses héritiers. La victime décédée n'a pas eu le temps de transmettre son
préjudice à ses héritiers. En somme, le rejet de consacrer un pretium mortis se justifie par
la date de la créance litigieuse par rapport au décès : à défaut d'être d'abord entrée dans
le patrimoine de la victime de son vivant, la créance n'a pu ensuite être transmise aux
héritiers.
4. - Ce raisonnement pris a contrario signifie en revanche qu'un « instant de raison »
entre atteinte à l'intégrité physique et décès suffit pour que l'action en réparation entre
dans le patrimoine du blessé. La question est alors apparue différemment lorsque la
victime a eu le temps de se voir mourir. Dans ce cas, l'argument a été avancé qu'elle a
eu le temps d'éprouver le sentiment que sa vie allait s'arrêter par la faute d'un autre. On
pourrait alors envisager, comme l'ont fait les avocats de certains ayants droit, qu'il existerait un préjudice de perte de chance d'une vie non abrégée qui, éprouvé du vivant de
la victime, serait entré dans son patrimoine et leur a bien été transmis. Cette fiction
permettrait de considérer que les héritiers ne demandent pas réparation d'un préjudice
subi par un mort mais par un vivant, en mourant, auquel cas, « l'action devrait leur être
transmise ».

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