Mémentos LMD - Les institutions de la Ve République 2017-2018 - 10e - 166

166

E

MÉMENTOS LMD - LES INSTITUTIONS DE LA V RÉPUBLIQUE

2) La pratique de la motion de censure
En pratique, de nombreuses motions ont été déposées tout au long de la Ve République.
Exemple

Le dépôt d'une motion de censure ouvrant à l'opposition une tribune d'expression médiatisée, il n'est pas rare : ainsi, le 15 mars 2013, l'Assemblée nationale a rejeté, par 287 voix
contre 229, une motion de censure déposée par l'UMP contre le gouvernement Ayrault et
visant à dénoncer son « immobilisme » en matière économique. De même, sous la
XIIIe législature (2007-2012), l'opposition parlementaire a déposé trois motions de
censure contre le gouvernement Fillon : le 8 avril 2008 contre le renforcement de la
présence française en Afghanistan ; le 27 janvier 2009 pour dénoncer l'inaction économique du gouvernement et les menaces sur les libertés individuelles ; le 8 juillet 2009,
pour critiquer l'opacité de la politique du gouvernement face à l'aggravation de la crise
économique. Aucune des trois motions n'a pu s'approcher de la majorité requise.
Depuis 1958, une seule motion de censure a été effectivement adoptée, le 5 octobre
1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou (280 voix, alors que la majorité
requise était de 241). En réalité, c'est le président De Gaulle qui était visé par les députés,
conséquence de sa décision contestée de recourir au référendum (Const., art. 11) pour
réviser la Constitution et instaurer l'élection du chef de l'État au suffrage universel direct.
Gaston Monnerville, président du Sénat, déclarait en effet, le 30 septembre, que « la
motion de censure m'apparaît comme la réplique directe, légale, constitutionnelle à ce
que j'appelle une forfaiture ». Finalement, après avoir expédié les affaires courantes
pendant deux mois, le gouvernement Pompidou a été reconduit à l'issue de la crise, tranchée par le peuple à l'occasion des élections législatives anticipées consécutives à la dissolution prononcée par le chef de l'État.

Si le mécanisme de la motion de censure semble, dans les faits, neutralisé, c'est en
raison de l'apparition du fait majoritaire : la majorité parlementaire, stable et cohérente depuis 1962, n'a pas intérêt à renverser un gouvernement dont elle soutient les
orientations. En outre, l'adoption d'une motion de censure ouvre un conflit politique
qui peut conduire, comme ce fut le cas en 1962, à la dissolution de l'Assemblée nationale, les députés prenant ainsi le risque de devoir se représenter prématurément devant
les électeurs.
Remarque : cette raréfaction de l'usage de la motion de censure, loin d'être spécifique
au régime de la Ve République, est commune aux régimes fondés sur le parlementarisme
majoritaire : le phénomène est comparable en Grande-Bretagne, aucune motion de
censure n'y ayant été adoptée depuis 1979.
Pour certains, la disparition, en pratique, de la motion de censure contribue aux interrogations relatives à la transformation du régime parlementaire en un régime de type
présidentiel. Cette approche peut cependant être nuancée, puisque l'arme de la
motion de censure ne disparaît pas pour autant. Davantage, n'est-ce pas, précisément, la vocation de ce mécanisme que de constituer le dernier recours, en cas de
conflit insoluble des pouvoirs ? C'est bien ainsi qu'il était conçu par le général
De Gaulle : « les rapports entre le ministère et le Parlement, tels qu'ils sont réglés par la
Constitution, ne prévoient la censure que dans des conditions qui donnent à cette
rupture un caractère d'extraordinaire gravité » (conférence de presse du 31 janvier
1964).
Table des matières de la publication Mémentos LMD - Les institutions de la Ve République 2017-2018 - 10e
