Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 135

LES ACTIFS AFFECTÉS PAR DES SÛRETÉS 135

l'ambition de ce créancier « n'est plus seulement d'être le premier, ou
même seulement parmi les premiers, mais d'être hors concours »20. Il
peut, pour ce faire, recourir à bon nombre de garanties qui lui offriront
un accès exclusif à l'actif grevé, empêchant ainsi la survenance de tout
concours21. L'idéal est alors de faire sortir l'actif du gage commun (B),
même si le créancier n'en a pas forcément besoin pour se ménager une
telle exclusivité (A).

A. L'accès exclusif à l'actif compris dans le gage commun des créanciers
11. Comment ne pas évoquer d'abord la protection inexpugnable dont
bénéficie le créancier rétenteur ? L'efficacité du droit de rétention, qui en
fait l'une des sûretés les plus recherchées, n'est plus à démontrer : si le débiteur veut récupérer un actif nécessaire au maintien de l'activité, il lui faut
payer intégralement le rétenteur qui en a la maîtrise matérielle. Comme un
auteur l'a indiqué, « par rapport [aux] complications liées à l'idée que le
créancier ne peut plus avoir d'initiative tendant à sa satisfaction individuelle, la force du droit de rétention, qui repose non sur une action, mais
sur une abstention, apparaît avec netteté »22. Le rétenteur se trouve de la
sorte à l'abri de tout concours. D'aucuns souhaitent limiter l'efficacité
excessive de cette garantie, ce résultat pouvant d'ailleurs être atteint par
des moyens forts divers. Un auteur a par exemple proposé de prévoir
l'inopposabilité du droit de rétention à la procédure collective durant la
période d'observation et durant le plan de sauvegarde ou de
redressement23. En phase liquidative, il a été suggéré de rendre le droit
de rétention inopposable à certains acteurs essentiels de la procédure,
créanciers garantis par le superprivilège de l'AGS ou par le privilège des
frais de justice en tête24. Mais alors, ce droit de rétention banalisé « ne
constituerait plus la carte joker permettant à un créancier de gagner la partie dans le jeu qui l'oppose aux autres créanciers », et ce serait peut-être à sa
suppression pure et simple que l'on devrait réfléchir25.
20. F. MACORIG-VÉNIER, « L'exclusivité », in colloque Les sûretés réelles et le droit des entreprises en difficulté, Nice, 20 mars 2010, LPA 11 févr. 2011, nº 30, p. 59.
21. J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, Traité de droit civil, Droit commun des sûretés réelles, LGDJ,
1996, nº 31, p. 29.
22. P.-M. LE CORRE, « L'invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », D. 2001, Chron., p. 2815.
23. P.-M. LE CORRE, « En avant pour une nouvelle réforme de la loi de sauvegarde des entreprises »,
LPA 9 déc. 2013, nº 245, p. 3, spéc. p. 7.
24. M. SÉNÉCHAl, « Sûretés et procédures collectives, à la recherche d'un équilibre », in Mélanges en
l'honneur du Professeur Paul Le Cannu, Dalloz, 2014, p. 771, spéc. p. 775.
25. D. LEGEAIS, « Quel avenir pour le droit de rétention ? », in C. JUILLET (dir.), « Les sûretés réelles
en quête de droit commun », RD bancaire et fin. nº 5, sept. 2014, dossier 42, spéc. nº 15.
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