Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 136

136 LES PROCÉDURES COLLECTIVES COMPLEXES

12. La garantie résultant de la renonciation de l'entrepreneur individuel à
l'insaisissabilité d'un bien personnel au profit d'un créancier mérite aussi
d'être évoquée au titre de sa résistance aux procédures collectives. Il est permis d'y voir une sûreté réelle négative26 garantissant une exclusivité au bénéficiaire, le plus souvent un établissement de crédit. De fait, cette garantie
risque de devenir plus fréquente puisque la loi dite Macron du 6 août 2015 a
renversé le principe de l'insaisissabilité déclarée pour consacrer l'insaisissabilité de droit de la résidence principale de l'entrepreneur individuel par ses
créanciers professionnels (C. com., art. L. 526-1, al. 1). Sans revenir sur l'évolution jurisprudentielle tumultueuse relative à la portée « collective » de la
déclaration, qui a conduit, en somme, à refuser au liquidateur la qualité à
agir pour vendre l'immeuble27, la principale question irrésolue touchait jusqu'à il y a peu à la portée « individuelle » de la déclaration. Il s'agissait de
savoir si l'immeuble était totalement « hors procédure collective », ou si les
créanciers auxquels la déclaration était inopposable pouvaient le saisir sans
avoir à respecter les règles de la procédure. En optant pour cette deuxième
approche, un arrêt remarqué rendu le 5 avril 2016 a confirmé l'efficacité de la
garantie résultant de la renonciation du débiteur à l'insaisissabilité28. En
somme, le créancier bénéficiaire de la renonciation est libéré des multiples
embûches qui auraient sinon neutralisé son action. L'immeuble échappant à
l'effet réel de la procédure, il n'a pas à attendre l'autorisation du juge-commissaire ou l'inaction du liquidateur durant trois mois pour réaliser l'actif, pas
plus qu'il n'aura à subir l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution, l'arrêt des inscriptions de sûretés, l'arrêt du cours des intérêts, ni
même l'obligation de déclarer sa créance au passif. Par où l'on voit que la
déclaration d'insaisissabilité, pensée pour protéger les biens personnels du
débiteur, devient une garantie de paiement idéale pour ses créanciers29 !
À cet égard, il est permis de penser qu'« il était assez inévitable que la technique juridique reprenne ses droits en présence d'une insaisissabilité relative,
opposable aux uns et non aux autres, qui n'aura finalement servi qu'une
entreprise de communication politique »30.
26. P. CROCQ, Dr. et patr. oct. 2016, nº 10, p. 75.
27. P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, Dalloz, 2016, nº 562-13,
p. 1523 et s.
28. Cass. com., 5 avr. 2016, nº 14-24640, FS-P+B : D. 2016, p. 1296, note N. BORGA ; Gaz. Pal. 28 juin
2016, nº 24, p. 54, note P.-M. LE CORRE ; BJE juill.-août 2016, nº 4, p. 257, note V. LEGRAND. Le revirement spectaculaire de la Cour de cassation, jugeant que le liquidateur est recevable à contester
la régularité de la déclaration, ne paraît pas de nature à remettre en cause cette solution : voy.
Cass. com., 15 nov. 2016, nº 14-26287, FS-P+B+I : D. 2016, Actu. p. 2333, obs. A. LIENHARD ; LPA,
2 janv. 2017, nº 1, p. 10, note V. LEGRAND ; JCP E 9 janv. 2017, nos 1-2, 21, note A. DUMERY.
29. Sur ce détournement de l'insaisissabilité, voy. R. DALMAU, « L'insaisissabilité : protection du
débiteur ou des créanciers auxquels elle est inopposable ? », RPC sept. 2016, nº 5, étude 18.
30. N. BORGA, note préc., nº 12.
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