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208 LES PROCÉDURES COLLECTIVES COMPLEXES

l'idée qu'une concentration ne peut être interdite que si elle entraîne une
détérioration des conditions de concurrence. Or, dans l'hypothèse où,
même sans la concentration, les conditions de concurrence seraient pareillement affectées, il n'existerait pas de lien causal entre l'opération et les
effets anticoncurrentiels. C'est bien en se plaçant sur le terrain de la causalité que la Cour de justice a admis cette théorie24. L'autorité française l'a
consacrée au sujet d'une concentration résultant du plan de reprise partielle d'actifs du groupe Moulinex par le groupe Seb25.
9. L'actualité a montré que l'application de cette théorie n'est pas une
hypothèse tout à fait exceptionnelle. En droit de l'Union, la Commission
l'a récemment mise en œuvre au sujet du projet d'acquisition de certains
actifs d'une raffinerie Shell en Allemagne par un opérateur suédois. La
Commission avait relevé qu'en l'absence d'acquisition, la fermeture de la
raffinerie constituait le scénario le plus probable. Or, cette fermeture aurait
réduit considérablement les capacités de production du marché européen
et aurait conduit à des prix plus élevés pour les consommateurs26. Dans une
affaire Olympic c/ Aegean, la Commission a aussi validé une opération de
concentration (alors même qu'elle l'avait interdite quelques mois plus tôt)
en raison des difficultés financières considérables de la cible. En l'absence
de concentration, Olympic serait tout simplement sorti du marché27.
10. En France, le Conseil d'État subordonne le jeu de la doctrine aux conditions suivantes : « s'il est établi, en premier lieu, que ces difficultés entraîneraient la disparition de la société en l'absence de reprise, en deuxième lieu,
qu'il n'existe pas d'autre offre de reprise moins dommageable pour la
concurrence, portant sur la totalité ou une partie substantielle de l'entreprise et, en troisième lieu, que la disparition de la société en difficulté ne
serait pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise
projetée »28. Les hypothèses d'application de cette doctrine sont rares ;
elles se comptent sur les doigts d'une main depuis les débuts d'application
du contrôle français... On observe toutefois, là encore, d'intéressantes interactions entre le droit des entreprises en difficultés et le droit de la concurrence. Dans l'affaire SeaFrance, une liquidation judiciaire avec poursuite
d'activité avait été ouverte par le tribunal de commerce de Paris à l'égard

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la concentration ; d) l'entreprise défaillante disparaîtrait du marché si la concentration
n'était pas réalisée ».
CJCE, 31 mars 1998, Kali et Salz, aff. C-68/94 et C-30/95.
Avis nº 02-A-07, 15 mai 2002, relatif à l'acquisition d'une partie des actifs du groupe Moulinex
par le groupe Seb ; voy. cep. la censure par CE Sect., 6 févr. 2004, nº 249267, Société Royal Philips Electronic et autres.
Commission européenne, 13 oct. 2014, M.6360, Nynas, Shell, Harburg Refinery.
Commission européenne, 9 oct. 2013, M.6796, Aegean c/ Olympic II.
CE Sect., 6 févr. 2004, Société Royal Philips Electronic et autres, préc.

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