Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 236

236 LES PROCÉDURES COLLECTIVES COMPLEXES

§ 1. L'influence de l'intuitus personae
Aussi classique soit-elle, la question n'est toujours pas clairement tranchée :
un tribunal peut-il ordonner la cession d'un contrat de franchise, de
concession ou autre, dans le cadre d'un plan de cession ? C'est qu'il faut
que la réponse soit incertaine pour que l'une des décisions les plus remarquées ces dernières années ait été un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 20 décembre 2013 ! Celui-ci a, en l'espèce, jugé que
l'article L. 642-7 du Code de commerce n'était pas applicable aux contrats
conclus par un franchiseur, « en ce qu'ils ne sont pas expressément visés
par ce texte et qu'ils ont été conclus intuitu personae »2.
On passera rapidement sur l'argument, assez peu convaincant, selon lequel
la franchise ne serait pas visée par le texte. Ce dernier évoque tout de
même les contrats de « fourniture de biens ou services » et, si d'anciennes
décisions ont effectivement rejeté l'assimilation3, l'on peut également rappeler que, depuis quelques années, la qualification de fourniture de services est admise sans difficulté par le droit international privé, en partant du
constat que le distributeur fournit une prestation caractéristique qui
consiste à assurer la distribution des produits et à participer au développement de leur diffusion4.
Plus intéressant est l'argument tiré du caractère intuitu personae du contrat
de distribution. De fait, il y a toujours un certain malaise à dire si les contrats
conclus en considération de la personne relèvent, ou non, du champ de
l'article L. 642-7 du Code de commerce. Un courant de jurisprudence,
semble-t-il majoritaire, surfe sur l'idée que la loi ne distingue pas, pour considérer que l'intuitus personae ne fait pas obstacle à la cession du contrat de
distribution, pour autant que le contrat litigieux soit nécessaire au maintien
de l'activité5. Cela étant, le jugement strasbourgeois n'est pas seul sur la
ligne opposée6. Et l'on ne peut manquer de relever, surtout, qu'il obéit
aux mêmes ressorts qu'une importante jurisprudence de la Cour de cassation qui considère, en matière de transmission universelle de patrimoine,
que « le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du
2. TGI Strasbourg, 20 déc. 2013 : BJE 2014, p. 167, obs. F.-X. LUCAS ; JCP E 2014, 1561, note F. DE
SAINT-POL.
3. V. CA Paris, 15 déc. 1992 : JCP G 1994, II, 22205, note C. JAMIN.
4. CJUE, 19 déc. 2013, Corman-Collins, C-9/12 : JCP G 2014, 180, note P. BERLIOZ ; Cass. 1re civ.,
19 nov. 2014, nº 13-13405 : Bull. civ. I, nº 196 ; D. 2015, p. 51, note G. LARDEUX. Ces arrêts sont
relatifs à des concessions mais la Cour de justice a, par la suite, étendu la qualification à tout
« contrat de distribution comportant de tels éléments typiques » (CJUE, 14 juill. 2016, Granarolo,
C-196/15, pt 42 : CCC 2016, comm. 235, obs. N. MATHEY ; D. 2016, p. 2223, point de vue F. BUY).
5. CA Douai, 8 mars 1990 : D. 1990, IR 87 ; CA Paris, 5 avr. 2007, RG nº 07/00178 ; CA Lyon,
8 sept. 2016, RG nº 16/03109.
6. CA Orléans, 14 sept. 2000 : D. 2001, p. 1017, note Y. MAROT.
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