Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 261

ASPECTS DE DROIT INTERNATIONAL 261

B. Les accords de localisation
20. On regrette de la même manière les incertitudes qui continuent de planer sur la question de savoir si les praticiens des procédures principale
et secondaire peuvent déroger aux règles de localisation par voie d'accords
ou de protocoles visant à répartir les actifs entre ces procédures.
Dans l'affaire Nortel, l'avocat général s'était montré opposé à admettre que
la répartition des actifs pût être ainsi convenue entre les praticiens des
procédures31. La Cour de justice, dans son arrêt du 11 juin 2015, avait
bien semblé partager ce point de vue32. Mais à dire vrai, le laconisme de
son propos rend bien délicate la lecture qu'il convient d'en faire, de sorte
qu'ici encore, la plus grande prudence s'impose quant aux enseignements
que l'on peut en tirer33.
Du reste, il est permis de se demander si le règlement nº 2015/848 du
20 mai 2015 n'a pas changé la donne. On sait, en effet, que dans un souci
d'efficacité économique ce texte valorise la coopération entre les praticiens
de procédures parallèles ouvertes contre un même débiteur. Dans la forme,
il admet que cette coopération horizontale puisse se traduire par la passation d'accords ou de protocoles. Dans le fond, il ouvre à cette coopération
de nouveaux domaines. La coopération n'est plus réduite à une simple obligation d'échange d'informations. Elle oblige les praticiens à « explore(r) la
possibilité de restructurer le débiteur et, si une telle possibilité existe, à
coordonne(r) l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan de restructuration ». Elle les oblige aussi à « coordonne(r) la gestion de la réalisation ou
de l'utilisation des actifs et des affaires du débiteur ». Peut-on considérer
que cette dernière invitation autorise les praticiens des procédures principale et secondaire à s'entendre pour répartir les actifs du débiteur entre les
territoires et les procédures ? Cela n'est pas certain car ce sont deux choses
très différentes que celle de s'entendre pour coordonner la réalisation, voire
l'utilisation des actifs, et celle de s'entendre sur le principe de la répartition
de ces actifs entre les différentes procédures. S'il est clair que le nouveau
règlement a voulu permettre aux praticiens de préparer une cession coordonnée des actifs en vue d'optimiser leur valorisation, rien ne permet en
revanche d'affirmer que le législateur européen les a par là même autorisés
à décider de la ventilation des actifs entre les procédures. D'autant que le
règlement prend bien soin de préciser que les accords ou protocoles entre
praticiens ne doivent pas être « incompatibles avec les règles applicables à
31. Concl. av. gén. P. MENGOZZI, pt 65.
32. CJUE, 11 juin 2015, aff. C-649/13, pt 30.
33. V. ainsi, R. DAMMANN et M. BOCHÉ-ROBINET, note préc. interprétant l'arrêt comme étant favorable à de tels accords.

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