Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 116

LES AUDIENCES A DISTANCE

Les chambres de l'instruction 4 qui font comparaitre de nombreuses personnes détenues et suscitent donc extractions judiciaires et transferts de la prison vers le tribunal, sont particulièrement ciblées par la politique publique qui
se dessine alors. Dans le cadre d'un allègement des charges qui pèsent sur le
ministère de l'Intérieur concernant les escortes judiciaires en particulier - avec
en point de mire le transfert de cette mission au ministère de la Justice - la visioconférence est pensée comme une solution qui permet aux juridictions
d'entendre les personnes détenues sans avoir pour autant à financer les transferts nécessaires pour les amener jusqu'à la salle d'audience. C'est ainsi par la
comparution à distance des personnes détenues que la visioconférence, en tant
qu'innovation, se diffuse dans l'organisation judiciaire ; comme nous le verrons
plus loin, elle continue parallèlement à être étendue à d'autres situations qui
tendent à faire système.
Mais si c'est sous cette forme et dans cet esprit que la généralisation du dispositif est décidée, c'est aussi de cette inscription managériale et de ce processus d'enrôlement forcé qu'émerge une controverse sur le dispositif lui-même.
Cette controverse prospère dans l'arène parlementaire mais elle se développe
aussi dans les prétoires qui deviennent, pour certains professionnels de justice
et en particulier les avocats, un espace où mener la lutte contre la visioconférence et remettre en cause la pertinence de ce dispositif sociotechnique pour des
activités juridictionnelles, particulièrement en matière pénale.

1. Une logique interministérielle qui promeut la visioconférence
comme moyen d'éviter les escortes judiciaires
Dans la seconde moitié des années 2000, les acteurs intéressés et enrôlés dans la
cause de la visioconférence se diversifient et se multiplient. Surtout la propriété du
problème5 est revendiquée par des acteurs centraux devenus plus incontournables et
qui n'appartiennent plus seulement au monde judiciaire et à son administration,
mais à différentes administrations sectorielles ou plus transversales.
1.1. Un rapport qui fait de la visioconférence une réponse
aux problèmes d'escortes
Nous avons déjà souligné dans le précédent chapitre qu'un tournant est globalement perceptible dès 2005 dans la transformation du statut de la visioconférence dans la justice. Se structure en effet une politique de déploiement de la
visioconférence orientée vers une double cible, les usages administratifs et juri4.

Le plus souvent, elles examinent des décisions qui concernent soit le placement en détention
provisoire ou la prolongation de celle-ci, soit des demandes de mises en liberté. Ces affaires
impliquent souvent des personnes déjà détenues, qu'il s'agisse de mis en examen, d'accusés
ou de condamnés.
Joseph GUSFIELD, La culture des problèmes publics. L'alcool au volant : la production d'un
ordre symbolique, Economica, coll. « Etudes Sociologiques », 2009 [1ère trad. fçse].

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017

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