Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 182

LES AUDIENCES A DISTANCE

non plus l'exception, amendement que nous évoquions en ouverture de ce livre.
Envisager une telle possibilité manifeste à la fois combien l'objectif gestionnaire est devenu dominant, primordial, pour certains acteurs et à quel point la
force normative de la comparution « corps présent » s'est affaiblie. Pas complètement toutefois, car ce point précis fut vivement débattu par le Sénat, alerté par
des professionnels du droit mobilisés. L'amendement fut finalement retiré. Par
ailleurs, l'avis rendu par le contrôleur général des lieux de privation de liberté a
souligné cet attachement à la norme de comparution corps présent, la « présence physique du comparant » étant considérée « aussi [comme] un moyen
d'expression » 54. Le recours à la visioconférence reste donc en définitive
l'exception, du moins pour l'instant, mais il convient de considérer qu'il ressort
de l'état du droit positif que tout ou presque peut faire exception. L'utilisation
de la visioconférence n'est quasiment jamais expressément écartée, interdite
par les textes qui ouvrent au contraire la voie à des usages démultipliés et diversifiés. Seul le refus de la personne détenue peut donner lieu, dans certaines
configurations, à l'obligation pour le juge de faire comparaître physiquement la
personne à l'audience. Cette évolution mérite d'être rapprochée d'autres phénomènes qui ont lieu dans l'espace carcéral et qui semblent aller dans le même
sens. Ainsi de la tendance de certaines prisons américaines à proposer aux
proches de personnes détenues des video visits, c'est-à-dire des rencontres à
distance, par le biais d'une liaison vidéo dont le coût souvent exorbitant est assumé par les familles. Le plus souvent, ces visites par visioconférence ne
s'ajoutent pas aux visites ordinaires : elles remplacent les visites en chair et en
os au parloir 55.
4.3. La naissance d'une politique de la comparution
Pour autant, il serait erroné de faire de ce qui semble bien constituer un basculement normatif une conséquence de la technologie en tant que telle. Tout
d'abord parce que le cas de la visioconférence, pour important qu'il soit dans
l'apparition et la promotion d'autres formes de comparution, n'est pas isolé.
D'autres dispositifs mettent à l'épreuve la norme de comparution en présence,
comme par exemple la possibilité de témoigner anonymement en France (témoignage sous X), ou la tentative de faire admettre en Angleterre des déclarations lues à l'audience en l'absence de leurs auteurs (« hearsay »). D'autres débats publics, qui n'ont rien à voir avec les technologies de communication,
viennent introduire d'autres mises à l'épreuve de l'idéal-type de la comparution
corps présents. La question récemment soulevée en Grande Bretagne (et rejetée
54. Avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 14 octobre 2011 relatif à
l'emploi de la visioconférence à l'égard de personnes privées de liberté, publié au JO du
9 novembre 2011.
55. « Conditions Behind the Bars. Screening Visitors. Prisons Profit by Stopping Family Visits »,
The Economist, 24 janvier 2015, consulté le 02.03.2016,
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017

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http://www.economist.com/news/united-states/21640359-prisons-profit-stopping-family

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