Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 100)

82 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS pour toujours : la loi qui serait faite pour un temps seulement ne serait pas une loi véritable. Mais cela est sans doute excessif, et on trouve fréquemment des règles, dont la durée d’application est restreinte d’avance par le législateur. (…) Tout se passe en définitive comme si la loi contenait une disposition abrogatoire portée à l’avance : or une loi, édictée sans limitation de durée, peut toujours être abrogée »240. 241. Cette définition de la permanence correspond à la jurisprudence administrative. Selon les termes du commissaire du gouvernement Massot dans ses conclusions sur l’arrêt Joxe et Bollon, « les meilleurs auteurs s’accordent pour reconnaître que l’acte réglementaire peut avoir une durée d’application dans le temps très éphémère »241. En effet, ont été qualifiés d’actes réglementaires – c’està-dire d’actes porteurs de règles générales – par le Conseil d’État, une décision fixant pour 1952 et 1953 les modalités de fixation du prix du colza242, un arrêté autorisant le sucrage des vins dans un département et pour une récolte243, ou encore une décision suspendant les opérations sur une bourse de commerce244. b) La dissociation du caractère permanent du champ d’application de la norme et de la structure hypothétique 242. Selon le professeur Pierre Mayer, la permanence, c’est-à-dire la dimension temporelle d’une règle générale, résulte de la structure hypothétique de la norme, qui, elle-même, résulte de son caractère abstrait : « La relation établie entre l’hypothèse et l’effet juridique présente nécessairement une certaine durée. En effet, l’hypothèse mérite ce nom parce qu’elle n’est pas l’affirmation d’un fait, mais la mention de la survenance future et éventuelle d’un nombre indéterminé de faits, dont les caractères sont définis. Elle est donc une anticipation sur ces faits. À compter de la promulgation de la règle et tant qu’elle n’a pas été abrogée, un fait peut à tout moment présenter les caractères requis et déclencher ainsi l’effet juridique. C’est cette particularité que l’on traduit généralement en disant que la règle est permanente »245. 243. Pierre Mayer considère que la règle de droit est abstraite, et que cette abstraction conduit à une structure hypothétique, laquelle entraîne la permanence. Au contraire, les décisions sont des normes qui sont concrètes donc catégoriques 240. P. ROUBIER, Théorie générale du droit - Histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, op. cit., ici p. 28-29 ; Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps), Paris, Dalloz-Sirey, 1960, ici p. 17-21. Il poursuit : « Il existe notamment toute une série de lois, qui n’ont pas d’autre objet que d’apporter une dérogation temporaire à une loi antérieure : ces lois, que nous appelons lois de dispense (par ex. une loi d’amnistie), ont pour but de suspendre seulement pendant un temps donné l’efficacité d’une loi antérieure, sans affecter autrement la valeur obligatoire de cette loi, dont l’application reprendra dès la fin de la dispense (…). Les lois de dispense n’ont en définitive qu’une action limitée dans le temps ; toutefois ce sont bien de véritables règles de droit, car elles créent pour un temps une disposition générale et abstraite. ». 241. J. MASSOT, concl. sur CE, Ass., 2 févr. 1987, Joxe et Bollon, Leb., p. 26 ; RFDA 1987, p. 176190. V. aussi, J. RIGAUD, concl. sur CE, Sect., 19 nov. 1965, Époux Delattre-Floury, Leb., p. 623 ; JCP 1966.II.14697 : « L’acte réglementaire peut avoir dans le temps un effet limité : ainsi un arrêté de police interdisant la circulation, dans une rue, fût-ce pour le temps de passage du Tour de France ». 242. CE, 22 févr. 1957, Association des producteurs d’oléagineux, T. Leb., p. 840. 243. CE, 12 mars 1969, Fédération nationale des producteurs de vins de consommation courante, Leb., p. 150. 244. CE, Ass., 20 juin 1975, Société A.C.L.I. International Commodity Services Ltd, Leb., p. 374. 245. P. MAYER, La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, op. cit., ici p. 46.

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