Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 173)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 155 les données fournies par le droit constitutionnel français72. L’auteur affirme clairement que « le tort de la théorie de la généralité est de construire la notion de loi matérielle d’une façon purement arbitraire et sans tenir aucunement compte du système de droit positif établi par la Constitution »73. La loi votée par le Parlement peut être aussi bien générale que particulière. Nombreux sont les auteurs qui se rallient désormais à cette conception – Charles Eisenmann74, Henri Dupeyroux75, Francis-Paul Bénoit76 ou encore Denys de Béchillon77 – délaissant ainsi l’ontologie réaliste. 446. En ce qui concerne le droit de la Ve République, l’article 34 de la Constitution énonce que « la loi fixe les règles » ou encore que « la loi détermine les principes fondamentaux ». Ces dispositions pourraient être interprétées comme signifiant que la loi doit être générale, dans la mesure où traditionnellement, une règle et, a fortiori, un principe, sont considérés comme nécessairement généraux78. En outre, le fait que la Constitution n’emploie pas le terme « loi » lorsqu’elle prévoit que le Parlement doit autoriser la déclaration d’une guerre ou le prolongement de l’intervention des forces armées à l’étranger (art. 35), peut laisser penser que la loi désigne toujours un acte de portée générale et en aucun cas une autorisation concernant un évènement particulier. 72. R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, réédition, Paris, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2003, spéc. p. 288 et s. 73. Ibid. p. 300. V. aussi : R. CARRÉ DE MALBERG, Confrontation de la théorie de la formation du droit par degrés avec les idées et les institutions consacrées par le droit positif français relativement à sa formation, Paris, Sirey, 1933, spéc. p. 35 : « Peu importe que la loi dispose en termes généraux ou statue à titre individuel ; peu importe aussi l’objet sur lequel elle porte ». 74. C. EISENMANN, Cours de droit administratif, « Les actes de l’administration », Année 1949-1950, t. II, p. 9-332, ici p. 45 : « L’acte législatif n’a en effet pas, en droit français (ni d’ailleurs presque dans aucun droit), un contenu juridique spécifique. Ce n’est pas l’acte par lequel sont édictées des règles de droit, des normes générales. Des actes qui contiennent des dispositions d’espèce, notamment qui concernent un individu déterminé ou quelques personnes déterminées, sont traités comme actes législatifs, c’est-à-dire soumis au régime d’acte législatif, et – puisque c’est là, rappelons-le, tout le sens de cette qualification – sont donc des actes législatifs, bien qu’ils n’édictent pas des règles de droit. Ils sont actes législatifs par cela seul que c’est le Parlement qui les a faits, suivant les formes de la procédure législative. Le droit français ne définit donc pas du tout l’acte législatif comme l’acte qui édicte – ou, si l’on veut, qui contient – des règles générales, des règles de droit. Il ne le définit même pas comme étant l’acte du Parlement, voté suivant la procédure législative et contenant des règles générales. Législatif n’est donc pas du tout synonyme de général et même n’inclut pas la notion de général ». 75. H. DUPEYROUX, « La généralité de la loi », Mélanges Carré de Malberg, Paris, Librairie Édouard Duchemin, 1977, p. 137-161. L’auteur s’interroge : « Mais puisque, en se rabattant sur la notion d’impersonnalité, on admet nécessairement que le législateur peut créer impersonnellement des privilèges pour mille, pour cent, pour dix citoyens, pourquoi s’opposer irréductiblement à ce que les privilèges en question soient accordés nommément ? ». 76. F.-P. BÉNOIT, Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, p. 509 : l’auteur décrit le décalage entre les « visions artistiques » et les « visions scientifiques des fonctions », en soulignant que le Parlement prend souvent des décisions particulières. 77. D. DE BÉCHILLON, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Éd. Odile Jacob, 1997, p. 36 : « La généralité n’a aucun rôle à jouer dans la définition théorique de la règle de droit. Son rôle – au demeurant non négligeable – se borne à un classement des différents types de normes ». 78. V. en ce sens : F. LUCHAIRE, « Les sources des compétences législatives et réglementaires », AJDA 1979, p. 3-16, spéc. p. 4 : « La règle s’oppose à l’acte individuel ; conformément à la conception matérielle de la loi le législateur n’intervient donc que par voie générale et non sous forme d’actes particuliers ; par exemple, il fixe les conditions d’acquisition de la nationalité française mais il n’attribue pas cette nationalité à un individu déterminé. »

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