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166 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS la théorie de la loi-écran, héritage du légicentrisme révolutionnaire : lorsqu’un acte administratif a été pris sur le fondement d’une loi, le juge administratif se contente de vérifier la conformité de l’acte à la loi mais se refuse à contrôler sa conformité à la Constitution113. La loi forme donc un écran opaque entre la Constitution et l’acte administratif. Cette théorie se justifie par le caractère originellement intouchable de la loi. En effet, contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif pris en application d’une loi est considéré comme équivalant à critiquer la loi elle-même114. Par conséquent, lorsque le juge a recours à la théorie de la loi-écran, la qualification d’une norme de norme constitutionnelle ne permet plus de la faire prévaloir sur la norme administrative. La norme constitutionnelle se trouve en quelque sorte désintégrée de la hiérarchie normative. À l’inverse, le Conseil d’État a interprété l’article 55 de la Constitution comme une norme l’habilitant à exercer le contrôle de conventionnalité des actes administratifs, même si ceux-ci sont pris en application d’une loi, laquelle ne fait donc plus écran entre les traités internationaux et les normes administratives. La hiérarchie des normes apparaît donc comme une hiérarchie à géométrie variable. 475. Outre les normes constitutionnelles, législatives et administratives, il faut distinguer les normes jurisprudentielles et les normes juridictionnelles. Conformément à la terminologie adoptée par le professeur Yves Gaudemet dans sa thèse115, les règles jurisprudentielles doivent être distinguées des règles juridictionnelles. En effet, le juge, saisi d’un cas concret, apparaît comme l’auteur de deux types de normes. Les normes juridictionnelles sont celles qui sont contenues dans le dispositif du jugement116 tandis que les normes jurisprudentielles sont celles qui constituent les normes de référence de ce jugement. Si l’on considère le raisonnement judiciaire comme syllogistique, les premières correspondent à la conclusion du syllogisme, et les secondes, à la prémisse majeure. Les règles juridictionnelles, qui trouvent leur support dans le dispositif du jugement, sont des règles particulières. Ainsi en est-il, par exemple, des normes selon lesquelles l’État est condamné à payer tel montant de dommages et intérêts à tel individu. Les normes juridictionnelles qui ont pour objet d’annuler un acte normatif sont traditionnellement considérées comme générales, d’autant plus si l’acte annulé est lui-même porteur d’une norme générale. Néanmoins, s’il est vrai que ces décisions ont une autorité de chose jugée absolue, c’est-à-dire qu’elles ont un effet erga omnes – l’acte annulé disparaît purement et simplement de l’ordre juridique, il ne s’agit pas de la seule suspension de son application pour un cas d’espèce – elles 113. Il refuse également de contrôler la constitutionnalité des lois (et non des actes administratifs) par voie d’exception (CE, Sect., 6 nov. 1936, Arrighi, Leb., p. 966). Mais depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les requérants peuvent arguer de l’inconstitutionnalité de la loi en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, laquelle, si elle est nouvelle et sérieuse, sera renvoyée par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel. 114. Le Conseil d’État considère que les requérants « ne peuvent utilement se prévaloir » du moyen tiré de l’inconstitutionnalité de l’acte administratif (CE, 2 oct. 1996, Commune de BourgCharente, Leb., p. 361), lequel est « en tout état de cause inopérant » (CE, Sect., 23 avr. 1997, GISTI, Leb., p. 142, concl. R. Abraham). 115. Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, préf. de G. Vedel, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. CVIII, 1972. 116. V. D. DE BÉCHILLON, thèse, op. cit., ici p. 118 : « Le pouvoir normatif juridictionnel peut donc se comprendre comme la capacité dévolue aux juridictions d’élaborer une norme spécifique : la chose jugée » ; sur l’identification de laquelle, du même auteur : « L’identification de la chose jugée dans la jurisprudence du Conseil d’État », RDP 1994-6, p. 1793. http://www.113.Il

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