Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 191)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 173 1. L’absence de toute hiérarchie matérielle au sein des normes constitutionnelles 502. Identifier une obligation de conformité des règles particulières aux règles générales, au sein des normes constitutionnelles, suppose au préalable l’existence de règles constitutionnelles particulières, c’est-à-dire individuelles et/ou concrètes. La Constitution du 4 octobre 1958 ne contient que des normes générales. 503. Mais la Constitution n’est pas un texte figé et on peut imaginer qu’à l’occasion d’une révision constitutionnelle, soient produites des dispositions signifiant des normes particulières. Il est tout à fait concevable, par exemple, qu’un texte constitutionnel désigne nominativement le Chef de l’État. La possibilité de réviser la Constitution est encadrée par la Constitution elle-même. En l’état actuel du droit, celle-ci ne semble pas prohiber l’édiction de normes constitutionnelles individuelles et concrètes. 504. Si le pouvoir constituant produisait des dispositions porteuses de normes particulières, celles-ci devraient-elles être conformes à certaines règles générales ? La réponse à cette question est a priori négative : dans la mesure où les normes constitutionnelles sont définies comme les normes suprêmes, elles sont placées au sommet de la hiérarchie : il ne peut donc exister de règle, même générale, qui leur soit supérieure et à laquelle elles devraient être conformes. 505. Toutefois, certains acteurs du système juridique affirment l’existence de principes supra-constitutionnels. En France, le débat sur la supra-constitutionnalité a été particulièrement avivé par la décision du Conseil constitutionnel du 2 septembre 1992, rendue dans le cadre du processus de ratification du traité de Maastricht133. Les juges de la rue Montpensier adoptent alors une « position ambiguë »134 en affirmant d’une part, que le pouvoir constituant est souverain et que rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui dérogent à une règle ou un principe de valeur constitutionnelle, et d’autre part, que certaines limites doivent toutefois être observées. Celles-ci sont d’ordre temporel – en vertu des articles 7, 16 et 89, alinéa 4 de la Constitution, une révision de la Constitution ne peut être engagée pendant certaines périodes –, et matériel – l’article 89 prévoit que « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision »135. 506. Cette décision a provoqué un débat doctrinal important sur la supraconstitutionnalité, « avatar, partiel et tardif dans sa problématique, du droit naturel »136. Certains auteurs, notamment le Doyen Vedel, estimaient que le pouvoir 133. Sur la supraconstitutionnalité, v. notamment : L. FAVOREU, « Souveraineté et supra-constitutionnalité », Pouvoirs 1993, n° 67, La souveraineté, p. 71-77 ; S. RIALS, « Supra-constitutionnalité et systématicité du droit », APD, t. 31, Le système juridique, p. 57-76 ; M. TROPER, « La notion de principes supra-constitutionnels », dans La théorie du droit, le droit, l’État, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 2001, p. 195-214 ; G. VEDEL, « Schengen et Maastricht (À propos de la décision n° 91-294 DC du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1991) », RFDA 1992, p. 173-184 ; « Souveraineté et supra-constitutionnalité », Pouvoirs 1993, n° 67, p. 79. 134. GDCC, n° 49, obs. sous CC, décision n° 03-469 DC du 26 mars 2003. 135. CC, décision n° 92-312 DC, 2 sept. 1992, Maastricht II, JO du 3 sept. 1992, p. 12095, cons. 19 : « Considérant que sous réserve, d’une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie, qui résultent des art. 7, 16 et 89, al. 4, du texte constitutionnel et, d’autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l’article 89 en vertu desquels « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision », le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ». 136. S. RIALS, « Supra-constitutionnalité et systématicité du droit », op. cit., ici p. 59. http://www.135.CC

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