Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 202)

184 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS d’un grand débat doctrinal182. Dans cette affaire, un conseil municipal avait reçu compétence de la part d’un texte législatif, la loi du 5 avril 1884, pour édicter un règlement portant statut du personnel communal, le maire pouvant édicter des actes individuels conformément aux dispositions du règlement. Mais pour certains employés communaux, les pouvoirs de nomination et de révocation avaient été transférés au pouvoir central, qui était ainsi compétent pour la mise à la retraite. Le règlement municipal avait prévu la mise obligatoire à la retraite quand l’employé dépassait 65 ans d’âge. Le ministre des Finances avait pris une décision individuelle dérogeant à cette disposition du statut. Sur recours intenté par le fonctionnaire visé par ladite mesure, le Conseil d’État l’avait annulée comme prise en violation du statut élaboré par le Conseil municipal. 541. Le débat doctrinal suscité par l’arrêt Ville de Clamart. L’arrêt Ville de Clamart a soulevé de vives controverses doctrinales. Le Doyen Roger Bonnard, dans sa note célèbre publiée sous l’arrêt, y voit la consécration du critère matériel, de la subordination des actes administratifs les uns aux autres en fonction de leur degré de généralité, et non en fonction de l’autorité qui les a édictés. 542. De nombreux auteurs vont alors s’attaquer au critère matériel, refusant d’admettre l’existence d’une hiérarchie matérielle entre les actes administratifs. 543. Plusieurs d’entre eux soutiennent que dans l’arrêt Ville de Clamart, c’est de la loi que résulte la soumission des actes administratifs individuels aux actes réglementaires, alors même que ceux-ci seraient édictés par une autorité inférieure. Ainsi, reprenant la position développée par Jean de Soto dans sa thèse183, Jean-Louis Quermonne écrit-il : « Nous pensons que la décision du Conseil d’État doit s’expliquer par d’autres raisonnements que par celui qui consiste à faire appel au critère matériel. Ce qui constitue, en effet, la Charte des compétences respectives du ministre de l’Intérieur et du Conseil municipal, ce n’est pas le rang qu’ils occupent l’un et l’autre dans l’organisation administrative française ; et sur ce point le Doyen Bonnard avait parfaitement raison. Mais ce qui fixe la répartition de leurs pouvoirs en une matière déterminée, c’est le texte qui leur est supérieur à l’un comme à l’autre, c’est-à-dire la loi, le décret ou même le principe jurisprudentiel leur attribuant compétence pour prendre des décisions 182. CE, 3 juill. 1931, Ville de Clamart, Leb., p. 723 ; DH 1931, p. 478 ; S. 1932. 3. 1, note R. Bonnard. 183. J. DE SOTO, Contribution à la théorie des nullités des actes administratifs unilatéraux, thèse, Paris, Imprimerie R. Bernard, 1941, p. 167 : la loi du 5 avril 1884 en stipulant que certains employés municipaux – tel que le receveur municipal – seraient nommés, révoqués ou mis à la retraite par le préfet ou par les autorités centrales a voulu éviter que ces employés dépendent « au point de vue nomination et discipline de l’autorité du maire ». Mais il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont juridiquement soumis au statut communal édicté sur la base de l’article 88 de la loi du 5 avril 1884. Et lorsque le préfet, le ministre ou le Chef de l’État nomment ou révoquent un receveur municipal, ils n’agissent pas en qualité d’autorité supérieure, « mais en tant que représentants, dans ce cas spécial de la commune ». Comme la loi du 5 avril 1884 n’a jamais stipulé que les employés municipaux nommés par une autre autorité que le maire, ne seraient pas assujettis au règlement portant statut des agents communaux, les autorités investies du pouvoir de nomination sont donc liées par le règlement municipal. « Elles doivent se considérer en quelque sorte comme substituées au maire et comme agissant à la place de ce dernier ». Jean de Soto souligne : « C’est une conséquence assez curieuse du régime complexe organisé par la loi, mais qu’il nous faut juridiquement admettre ». C’est donc la loi qui impose dans ce cas précis au préfet ou aux autorités centrales de respecter le règlement municipal. « Loin d’être une exception au principe général de la subordination hiérarchique des règles de droit, l’arrêt Ville de Clamart en constitue une application assurément inattendue ».

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