Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 203)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 185 dans le domaine relatif à la situation de carrière des fonctionnaires communaux. (…) En édictant le statut du personnel communal, le Conseil municipal avait fait œuvre d’application d’un texte qui s’imposait à la fois à lui-même et au ministre. Or, en dérogeant à ce statut par une mesure individuelle, qu’il était par ailleurs compétent pour prendre, le ministre avait par là même violé une disposition dont la loi lui avait imposé le respect en confiant à une autorité autre que lui-même le soin de l’élaborer. Ainsi, et sur un plan plus général, il apparaît que le critérium organique reste le seul qui puisse rendre un compte exact de notre droit positif (….) C’est à la compétence de l’organe administratif qu’il faut toujours se reporter si l’on veut savoir quelle force juridique détient un acte qui en émane et, partant, la place qu’il doit occuper dans la hiérarchie des textes » 184. Les professeurs Jean-François Lachaume185 et Gérard Timsit186 s’alignent sur cette position. 544. Au contraire, pour Jean-Marie Rainaud187, expliquer la prévalence du règlement municipal sur la décision individuelle du ministre par le fait que le conseil municipal aurait exercé son pouvoir réglementaire en vertu de la loi de 1884 constitue un « raisonnement purement logomachique ». En effet, il souligne, à juste titre, que si la loi a réparti les compétences entre le maire et le ministre, elle ne s’est pas pour autant prononcée sur la supériorité de l’acte réglementaire vis-à-vis de l’acte individuel. 545. Dans le même sens, le professeur Denys de Béchillon, qui s’insurge contre cette « légende tenace » qui nie la hiérarchisation matérielle entre les actes administratifs réglementaires et individuels, quel que soit le rang de l’autorité dont ils émanent188, relève que la plupart des actes administratifs, tant généraux qu’individuels reposent sur des habilitations législatives et que, par conséquent, faire prévaloir le règlement sur l’acte individuel revient à reconstituer un critère matériel189. Il souligne par ailleurs que le raisonnement de Jean de Soto et 184. J.-L. QUERMONNE, L’évolution de la hiérarchie des actes juridiques en droit public français, op. cit., spéc. p. 217-222 et p. 247-267. 185. J.-F. LACHAUME, La hiérarchie des actes administratifs exécutoires, op. cit., p. 134 et s. 186. G. TIMSIT, Le rôle de la notion de fonction administrative en droit administratif français, préf. de C. Eisenmann, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. LIV, 1963, p. 43 : « En réalité, il ne semble pas que l’explication proposée par Bonnard soit utile à la démonstration de la justesse de l’arrêt. En édictant le règlement communal, le Conseil municipal n’avait fait qu’appliquer un texte qui s’imposait aussi bien à lui qu’au ministre, et ce n’est que parce qu’il a dérogé à ce texte par son refus implicite de mettre à la retraite le receveur communal que le ministre des Finances a violé une disposition dont la loi lui avait imposé le respect en confiant à une autorité autre que luimême le soin de l’élaborer. (…) ». 187. J.-M. RAINAUD, La distinction de l’acte réglementaire et de l’acte individuel, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. LXXIII, 1966, p. 79-96, spéc. p. 91. 188. D. DE BÉCHILLON, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’État, op. cit., ici p. 515, et p. 517 : « On n’y insistera jamais assez : le principe de la hiérarchie matérielle des actes tient en échec celui de leur hiérarchie organique et formelle. L’arrêt Ville de Clamart exprimait une donnée fondamentale de l’État de Droit. Sa dimension n’était pas celle d’un jugement d’espèce, plus ou moins fondé sur une situation exceptionnelle, mais bien celle d’une position de principe. Parfaitement heureuse de surcroît ». 189. Ibid., note de bas de page n° 57, p. 516 : « Le raisonnement de cet auteur [Jean-Louis Quermonne] peut être critiqué de l’intérieur. Le pouvoir de décision individuelle du ministre dérive, lui aussi, de la Loi, voire de la Constitution, dans la quasi-totalité des cas. Sauf application de la jurisprudence « Jamart » (…) tous les règlements, quels qu’ils soient, puisent leur fondement dans l’investiture du législateur ou du Constituant. Il en va exactement de même, en outre, des actes individuels, si l’on remonte à l’origine de l’habilitation qui a rendu leur édiction possible. L’on ne peut donc tirer le moindre argument d’espèce pour analyser la situation particulière de l’arrêt Ville

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