Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 215)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 197 588. Par exemple, dans l’arrêt Société « L’Avenir d’Oyonnax » du 6 décembre 1933238, la décision individuelle est censurée parce qu’elle constitue un détournement de pouvoir et non parce qu’elle a été prise en l’absence de tout règlement préalable. C’est ce qui fait toute la différence avec l’arrêt Cateland et Laulaguent du 15 décembre 1926 où la Haute Juridiction administrative relève que les manifestations interdites par le maire « étaient de nature à troubler l’ordre public » et refuse de censurer la décision qui ne concernait pourtant que deux sociétés de gymnastique. Ce n’est donc pas le caractère général ou individuel de la décision attaquée qui importe, c’est le but en vue duquel il a été pris. Une décision individuelle prise en l’absence de règlement préalable est légale dès lors qu’elle n’est pas constitutive d’un détournement de pouvoir. 589. Par ailleurs, la plupart des arrêts rendus en matière de police administrative ne consacrent pas l’obligation d’un règlement préalable à toute décision individuelle mais le principe de nécessité des mesures de police. Dans l’arrêt Dame Baron, le Conseil d’État prend soin de relever qu’« il existait d’autres moyens de supprimer les causes des atteintes portées à la salubrité et à la tranquillité publiques ». Il va même jusqu’à préciser « en admettant même qu’une telle limitation [du nombre d’animaux susceptibles d’être hébergés chez Madame Baron] pût, eu égard aux circonstances de l’espèce, être prescrite par voie d’arrêté individuel », le maire a excédé ses pouvoirs. Le Conseil d’État exprime certes un doute sur la possibilité de procéder par voie individuelle mais il précise que l’annulation ne résulte pas de l’emploi de la forme individuelle. Dans l’arrêt Benjamin, c’est parce que le maire aurait pu se contenter d’avoir recours aux forces de police pour encadrer la conférence du sieur Benjamin que la décision individuelle interdisant ladite conférence est annulée. 590. De même, dans l’arrêt Jamart du 7 février 1936239, le Conseil d’État considère que si les ministres « peuvent, notamment, dans la mesure où l’exige l’intérêt du service, interdire l’accès des locaux qui y sont affectés aux personnes dont la présence serait susceptible de troubler le fonctionnement régulier dudit service, ils ne sauraient cependant, sauf dans des circonstances exceptionnelles, prononcer, par une décision nominative, une interdiction de cette nature contre les personnes qui sont appelées à pénétrer dans les locaux affectés au service pour l’exercice de leur profession ». La Haute Juridiction considère qu’en l’espèce, l’accès au centre de réforme de Paris, pour assister les anciens militaires, du sieur Jamart, docteur en médecine ne constituait pas une menace de nature à troubler le fonctionnement dudit centre. En d’autres termes, la décision individuelle interdisant au sieur Jamart l’accès au centre de réforme n’était pas illégale parce qu’elle était individuelle, mais parce qu’elle n’était pas nécessaire. 591. Outre le principe de nécessité des mesures de police administrative, le principe d’égalité justifie également la censure de certaines décisions individuelles. Dans l’arrêt Ricard, Cullet et autres du 19 avril 1890, la Cour de cassation considère illégal l’arrêté du maire de la commune de Robion portant une interdiction individuelle de la voie publique applicable à l’une seulement des deux sociétés musicales de la commune, en déclarant « qu’on ne saurait reconnaître au maire, sous le prétexte d’assurer le bon ordre, le pouvoir arbitraire d’interdire, par arrêté, 238. CE, 6 déc. 1933, Société « L’avenir d’Oyonnax », Leb., p. 1135. 239. CE, Sect., 7 févr. 1936, Jamart, préc.

Table des matières de la publication Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1

Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1