Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 218)

200 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 2. La promotion du pouvoir d’appréciation des faits pour l’édiction des actes admi‑ nistratifs individuels 600. L’appréciation des faits s’oppose ici à la constatation des faits. Le Conseil d’État considère que l’administration n’est pas en situation de compétence liée dès lors qu’elle a un pouvoir d’appréciation des faits. Par exemple, le maire doit prescrire l’interruption des travaux en cours s’il constate que le permis de construire est périmé255. Néanmoins, dans la mesure où, lorsqu’il constate la péremption d’un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, il est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits, il n’est pas, selon le Conseil d’État, en situation de compétence liée256. Ceci étant, pour des raisons de clarté, il paraît opportun, à l’instar de Jean-Marie Woehrling, de ne parler de compétence liée que lorsqu’une seule décision légale peut être prise par l’administration. Encore une fois, la liberté de qualification des faits ne se confond pas avec la question du pouvoir discrétionnaire. 601. Il est évident que l’administration dispose très fréquemment, pour l’édiction de décisions particulières, d’un pouvoir d’appréciation des faits. Mais ce qu’il est intéressant de remarquer, c’est que le juge administratif français a tendance à préserver, à promouvoir cette liberté d’appréciation dont dispose l’administration. 602. Non seulement le juge n’exige pas absolument qu’une règle générale préalable écrite détermine le contenu des décisions individuelles à prendre mais il censure également certaines décisions administratives générales édictées à la place de décisions individuelles. Certaines dispositions législatives sont ainsi interprétées comme excluant tout règlement préalable à la prise des décisions individuelles. Le juge interdit alors à l’administration « de statuer au « pochoir » par placage de quelque standard général », l’obligeant ainsi à un effort d’adaptation, selon les expressions de Robert-Édouard Charlier257. 603. Par exemple, dans l’affaire Piron, le Conseil d’État avait déduit des lois des 17 et 27 juillet 1940 qui avaient pour but d’écarter les agents dont le maintien dans la fonction publique paraissait impossible, en raison de leur comportement général, qu’une mesure de relèvement de fonction « ne pouvait valablement être prise que sur l’examen de chaque cas particulier »258. La Haute Juridiction estime que « le sieur Piron a été relevé de ses fonctions de gardien de la paix par l’unique motif qu’il se trouvait au nombre des agents ayant dépassé l’âge de 55 ans ; [et] que l’administration s’est ainsi bornée à lui faire application d’une décision de principe sans procéder à l’examen de sa situation particulière et sans rechercher 255. V. art. L. 480-2, al. 10, C. urb. : dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l’interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l’exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens. 256. CE, 29 déc. 2006, Ministre de l’Équipement, des Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer, Leb., p. 586. V. au contraire : CE, 3 févr. 1999, Montaignac, Leb., p. 6 : le maire est en situation de compétence liée pour ordonner l’interruption des travaux réalisés sur la base d’un permis périmé dans la mesure où il lui suffisait de constater l’existence d’une distance de 100 mètres entre deux panneaux publicitaires. 257. R.-É. CHARLIER, « La technique de notre droit public est-elle adaptée à sa fin ? », EDCE 1951, p. 42. 258. CE, Ass., 24 juill. 1942, Piron, Leb., p. 233 ; DH 1943, p. 4, D. 1943. 3. 1, concl. L. Ségalat, note A. Mestre.

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