Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 232)

214 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS sur le fondement de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile56. Un jugement n’a, selon l’article 480 du même code, l’autorité de la chose jugée que « relativement à la contestation qu’il tranche ». La solution donnée ne vaut que pour le cas particulier sur lequel a statué le tribunal. Celui-ci, ni aucun autre, n’est lié par cette solution, à la différence du système anglo-saxon où les tribunaux sont soumis à la règle du précédent, c’est-à-dire sont liés par les décisions rendues dans des affaires semblables par les juridictions supérieures57. 640. Si le précédent n’a pas valeur obligatoire en France, il est évident que les tribunaux créent et appliquent des précédents. Il est en effet incontestable que les tribunaux édictent des règles de portée générale, en rendant des décisions créant des précédents, c’est-à-dire des décisions apparemment individuelles et concrètes, rendues sur des cas particuliers, mais obligatoires pour les décisions à rendre sur les cas semblables qui se présenteront ultérieurement. Le professeur Michel Troper explique que « la jurisprudence est devenue une source du droit par le jeu d’institutions créées précisément pour l’empêcher »58. En particulier, la norme selon laquelle les tribunaux doivent suivre les précédents est implicite dans le système juridique français. Son existence résulte en effet de l’existence d’une série de normes explicites, organisant une hiérarchie entre les tribunaux et prévoyant l’annulation des décisions juridictionnelles contraires aux règles énoncées par les juridictions suprêmes. 641. En outre, si l’article 5 interdit les arrêts de règlement, il est désormais admis qu’il n’interdit pas les arrêts de principe59 : il interdit au juge de créer des normes en dehors de tout litige, mais « il n’empêche pas le juge d’émettre des principes généraux de solution, dès lors qu’il y a un lien entre le principe exprimé et la solution du litige »60. Selon le professeur François Terré, « constitue un arrêt de principe, un arrêt contenant un principe d’application générale appelé à régir d’autres cas analogues, ce qui se manifeste plus précisément par les arrêts de la Cour de cassation contenant un “chapeau” »61. En d’autres termes, si les juges ne peuvent pas édicter de règles générales dans le dispositif des décisions qu’ils rendent, ils peuvent le faire dans les motifs, sous la forme d’un « attendu » ou d’un « considérant de principe ». 642. C’est grâce à une fiction que les arrêts de principe ont pu échapper à l’interdiction de l’article 5. Comme le souligne le professeur Michel Troper 56. Celui-ci dispose : « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif ». 57. Il convient de préciser que seule la ratio decidendi des arrêts rendus par les juridictions supérieures, c’est-à-dire la solution de droit fondée sur des faits déterminants, et non l’obiter dictum, s’impose aux juridictions inférieures. La ratio decidendi d’une décision de la Chambre des Lords s’impose à toutes les juridictions sauf à elle-même (depuis une déclaration faite par le Lord Chancelier le 26 juillet 1966, la Chambre des Lords peut ne pas respecter ses propres décisions « when it appears right to do so »). La ratio decidendi des décisions rendues par la Haute Cour de Justice s’impose aux juridictions inférieures et non à elle-même. La ratio decidendi des décisions rendues par les cours inférieures n’est obligatoire pour aucune juridiction. V. notamment : C. JAUFFRET-SPINOSI, « Comment juge le juge anglais ? », La fonction de juger, Droits, n° 9, 1989, p. 57-67. 58. M. TROPER, « La force des précédents et les effets pervers en droit », La théorie du droit, le droit, l’État, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1996, p. 163-172, p. 171. 59. S. BELAÏD, Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, thèse Paris II, 1974, p. 27, cité par F. TERRÉ, Introduction générale au droit, op. cit., p. 280. Sur les arrêts de principe : C. ATIAS, « L’ambiguïté des arrêts dits de principe en droit privé », JCP 1984, I, 3145. 60. F. TERRÉ, Introduction générale au droit, op. cit., p. 279. 61. Ibid., p. 280. Un chapeau désigne un attendu de principe qui figure au début de l’arrêt, juste après les visas. http://www.57.Il

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