Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 297)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 279 le cadre de la législation régissant cette profession ; qu’il suit de là que dans le cas où une disposition spéciale de cette législation exclut les étrangers, le texte d’ordre général précité ne saurait avoir pour effet de permettre aux résidents privilégiés, même remplissant les conditions ci-dessus rappelées, de recevoir l’autorisation d’exercer ladite profession »14. On voit ici que le juge ne prend en considération que la dimension matérielle du champ d’application des deux règles en conflit : R1 est la règle spéciale et R2, la règle générale, dans la mesure où R2 concerne toutes les professions et R1, seulement la profession de débitant de boissons. Du point de vue personnel, les qualifications s’inversent : c’est R1, selon laquelle les personnes de nationalité étrangère ne peuvent exercer la profession de débitant de boissons qui est la règle générale, et la R2, selon laquelle les personnes de nationalité étrangère et « résidents privilégiés » peuvent être autorisés à exercer la profession de leur choix, qui est la règle spéciale. 825. En raison du caractère pluridimensionnel du champ d’application des règles, la qualification de règle spéciale au regard de telle autre règle n’a rien d’automatique puisque le juge doit choisir de prendre en compte ou bien la dimension personnelle ou bien la dimension matérielle. L’identification d’un rapport de spécialité entre deux règles s’avère en réalité fort subjective. § 2. L’IDENTIFICATION EN RÉALITÉ SUBJECTIVE DU RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 826. Si l’identification d’un rapport de spécialité entre deux règles apparaît de prime abord comme une opération mécanique excluant tout jugement de valeur personnel, elle n’a en réalité rien d’automatique, l’étendue de chacune des catégories visées par les règles de droit n’étant pas précisément déterminée. Alors qu’en biologie, les catégories sont classées de façon ordonnée en espèces, genres et familles, il n’existe pas de systématisation d’ensemble des catégories juridiques, ce qui fait naître des incertitudes au sujet du caractère général ou spécial d’une règle de droit. 827. Très souvent, les organes d’application du droit créent un rapport de spécialité, considérant qu’une règle déroge à une autre et exclut l’application de cette dernière, alors même que les champs d’application de l’une et de l’autre semblent plutôt se croiser ou être indépendants (A). 828. Au contraire, les organes d’application du droit sont parfois amenés à nier l’existence d’un rapport de spécialité, tantôt en refusant de reconnaître qu’une règle spéciale déroge à une règle générale, tantôt en substituant au rapport de spécialité un rapport d’indépendance (B). A. L’AFFIRMATION DU RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 829. Le juge administratif affirme parfois l’existence d’un rapport de spécialité entre deux règles ou deux séries de règles dont les champs d’application paraissent davantage se croiser (1). Se pose par ailleurs la question de 14. CE, 20 déc. 1963, Secrétaire d’État au commerce extérieur c/ sieur Hurni, Leb., p. 650.

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