Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 315)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 297 générale des normes, en expliquant qu’une abrogation est toujours totale. La règle générale antérieure qui est incompatible avec une règle spéciale postérieure se voit privée de toute validité, elle ne survit pas même partiellement mais disparaît entièrement de l’ordonnancement juridique87. 874. Néanmoins, nombreux sont ceux qui considèrent qu’il n’y a d’abrogation tacite, c’est-à-dire résultant de l’incompatibilité de deux normes successives, qu’entre deux normes également générales. Dans l’hypothèse où une règle spéciale postérieure se révèle incompatible avec une règle générale antérieure, il est d’usage de considérer que la règle générale n’est pas abrogée mais subsiste tout en étant assortie d’une exception88. La règle spéciale ne fait pas disparaître la règle générale, ce que traduit l’adage selon lequel « l’exception confirme la règle »89. L’abrogation est donc clairement distinguée de la dérogation. 875. La distinction de l’abrogation et de l’exception dépend, selon la plupart des auteurs, de l’étendue du champ d’application de la règle initiale atteinte par la règle postérieure contraire. Dès lors que ce dernier n’est que il n’est pas non plus permis d’en supprimer (derogare) une quelconque partie, ni de l’abroger (abrogare) en son entier » (huic legi nec abrogari fast es, neque derogari aliquid ex lac licet, neque tota abrogaro potest) (III, 22). 87. H. KELSEN, Théorie générale des normes, op. cit., p. 147-148 : « Quand intervient la modification du contenu d’une norme juridique (c’est-à-dire quand une norme commence à être valide avec un contenu qui représente une modification partielle du contenu d’une autre norme juridique) il n’y a que deux possibilités. Soit la norme juridique antérieure continue à être valide sans être modifiée et deux normes juridiques sont en conflit entre elles. Soit la validité de la norme juridique antérieure est supprimée conformément au principe de droit positif lex posterior derogat priori, c’est-à-dire qu’elle perd sa validité dès l’entrée en validité de la seconde norme juridique (norme juridique ultérieure). La seule norme valide est la seconde norme qui a un contenu partiellement différent du contenu de la première norme. En aucun cas, la première norme ne continue à être valide avec un contenu modifié, comme l’admet la doctrine de l’abolition « partielle » d’une norme juridique. Même si l’on admet, avec la doctrine traditionnelle, que la norme juridique qui entraîne la modification du contenu de la première norme abroge cette dernière en tant que norme juridique antérieure, cette norme juridique antérieure ne continue pas à être valide avec un contenu modifié, mais c’est seulement la norme juridique ultérieure qui est valide. Et il en est ainsi même si la norme ultérieure est formulée comme suit : « L’âge minimum de 21 ans pour conclure un contrat, fixé par la première norme, est abaissée à 20 ans ». Car cela est simplement une forme abrégée de la norme entière avec un contenu partiellement modifié. Cela résulte clairement du fait que – même selon la doctrine traditionnelle – même quand la norme ultérieure ne diverge pas dans son contenu de la norme antérieure, la norme antérieure cesse d’être valide. Car si la validité de la norme ultérieure est supprimée, la norme antérieure ne recouvre pas sa validité. Ainsi ce qu’on entend par abolition « partielle » d’une norme juridique est soit aucune abolition, soit une abolition « totale », non pas d’ailleurs d’une norme juridique mais de la validité d’une norme juridique ». 88. P. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, Paris, Litec, coll. « Manuel », 11e éd., 2006, p. 92. 89. P. BRUNET, « Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes », op. cit., p. 207-221, ici p. 218-219 : « Il n’y a donc de dérogation proprement dite que lorsqu’on dit d’une loi spéciale qu’elle « déroge » à une loi générale. (…) Les maximes lex posterior et lex superior conduisent inévitablement à faire prévaloir l’une des deux normes sur l’autre : l’antinomie est certes résolue mais c’est toujours au détriment de l’une des normes en cause. (…) il existe toutefois un moyen de faire coexister le principe et la loi : admettre que la loi formelle est une loi spéciale qui, sans pour autant l’abroger ni l’invalider, ne se conforme pas à un principe lui-même entendu comme loi générale. Elle est l’exception à la règle qui, comme le veut le proverbe, confirme la règle. Ainsi le critère ne sert-il pas à résoudre une antinomie mais à la dissoudre et le juge qui le met en œuvre fait d’une pierre deux coups : en même temps qu’il préserve la liberté voire la souveraineté du législateur, il s’affranchit d’une étroite subordination à la loi ».

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