Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 85)

LES RÈGLES GÉNÉRALES, DES RÈGLES CATÉGORIELLES 67 par le juge administratif comme des règles individuelles, les règles générales sont les règles impersonnelles, c’est-à-dire visant des personnes juridiques abstraction faite des individus auxquels elles correspondent. Le caractère impersonnel de toute règle générale suppose que celle-ci soit susceptible de s’appliquer à tout être humain. Son champ d’application doit en conséquence être spatialement et temporellement ouvert. SECTION 2 L’OUVERTURE SPATIO-TEMPORELLE DU CHAMP D’APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES 181. Une règle est générale dès lors qu’elle vise une ou plusieurs personnes juridiques, abstraction faite des individus auxquels ces dernières correspondent. Ne s’adressant à aucun être humain en particulier, la règle générale est susceptible de s’appliquer à tous. C’est pourquoi Rousseau tenait pour synonyme la généralité et l’universalité190. C’est aussi ce qu’exprime la doctrine en affirmant qu’une règle générale est toujours une règle susceptible de faire l’objet d’un nombre indéfini d’applications. 182. Ainsi Léon Duguit, dans L’État, le droit objectif et la loi positive, en 1901, écrit-il191 : « On reconnaît qu’une disposition est une règle générale et abstraite, quand elle ne s’épuise pas par son application dans un cas prévu et déterminé d’avance, quand elle survit à cette application ». Dans son Traité de droit constitutionnel, en 1928192, il répète : « La loi matérielle est une disposition par voie générale. (…) Cela veut dire que la loi contient une disposition qui ne disparaît pas après son application à un cas prévu et déterminé d’avance, mais qui survit à cette application, et qui s’appliquera, tant qu’elle ne sera pas abrogée, à tous les cas identiques à celui qu’elle prévoit ». C’est également la définition retenue par Marcel Waline193 : « Il nous paraît préférable, pour ces 190. V. M. TROPER, La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1980, p. 146-147 : « Rousseau aurait ainsi renoncé à exiger que la loi ait un objet général et se contenterait finalement de lois impersonnelles mais portant sur des objets particuliers. Or, la pensée de Rousseau paraît être différente. Il ne paraît certes pas possible de « sauver » Rousseau en affirmant qu’il n’a jamais exigé que la loi ait un objet universel, mais seulement un objet général, car Rousseau lui-même a interdit cette dérobade en annonçant clairement que par objet général, il entendait un objet qui fût universel. (…) Par le mot objet, en effet, Rousseau ne pouvait pas exiger que soient seules réglées par la loi des situations ou des conduites communes à tous les sujets de l’État, parce que cela l’eût conduit à interdire par exemple l’édiction de toute loi criminelle. Une loi prescrivant d’appliquer telle peine à tels criminels n’est pas générale par rapport à la conduite qu’elle règle, puisque tous les sujets ne sont pas des criminels. Mais elle est générale par rapport aux sujets de la norme qu’elle contient, puisque tous les sujets qui deviendraient des criminels se verraient appliquer cette norme. Il suffit que la loi soit susceptible d’être appliquée à tous les citoyens, mais il n’est pas nécessaire qu’elle le soit effectivement. (…) Pour que l’objet puisse être considéré comme général, il faut donc que l’auteur de la loi ignore, au moment où il la fait, à qui elle sera effectivement appliquée (…). Ce qui importe ce n’est pas seulement que la loi ne contienne aucune désignation nominale des personnes auxquelles elle sera appliquée, mais qu’elle soit susceptible d’être appliquée à tous ». 191. L. DUGUIT, L’État, le droit objectif et la loi positive, op. cit., p. 502. 192. L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, t. II, La théorie générale de l’État (1re partie), Paris, E. de Boccard, 1928, p. 166. 193. M. WALINE, « Observations sur la gradation des normes juridiques établie par Carré de Malberg », RDP 1934, p. 521, ici p. 561.

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