Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 136

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT 24 février 1296 la Bulle Clericis laïcos. Il rappelait la nécessité du consentement préalable du pape à toute levée sur le clergé. La règle était sanctionnée par une menace d'excommunication contre les laïcs qui percevraient cet impôt indu et contre les clercs qui le paieraient. L'interdit serait jeté sur les villes ou les royaumes qui passeraient outre à ces défenses. Les termes de la Bulle étaient d'une violence jusque-là inconnue. C'était le style et la façon d'agir du nouveau pape, Boniface VIII. Cependant, peu après et en partie à la demande du clergé de France luimême, le conflit s'apaisa. Le pape comme le roi s'engagèrent dans la voie des concessions et des compromis. Le pape autorisa la levée tout en maintenant le principe de la nécessité d'une autorisation pontificale préalable. Par diverses mesures il manifesta sa volonté d'entente envers le roi. Celui-ci l'avait pourtant emporté sur le fond. 139. Le conflit de la juridiction. - Tout au long du XIIIe siècle, la compétence des juridictions ecclésiastiques fit l'objet d'attaques plus ou moins vives de la part des juges royaux. En réduire le domaine leur paraissait servir au mieux leur maître, étendre son autorité et sa supériorité. À l'exercice de la justice s'attachait d'ailleurs la perception de divers droits. L'intérêt matériel trouvait son compte à la défense des droits du roi. Une ordonnance de 1274 régla en détail la juridiction ecclésiastique, montrant ainsi que la matière était délicate et les appétits rivaux insatiables. Elle maintenait le privilège de clergie, mais se montrait stricte sur la personne de ses bénéficiaires. Le terme de clerc en effet était large et la preuve de cette qualité soulevait bien des problèmes. La laisser établir par des juges ecclésiastiques était imprudent. Une tonsure, facile à obtenir, même après arrestation, ne pouvait suffire. L'ordonnance refusait également le privilège aux clercs mariés et marchands et cherchait à en écarter les clercs marchands non mariés qui continueraient à commercer. Elle autorisait les juges royaux à punir, malgré le privilège, les clercs porteurs d'armes, etc.29. Ces réserves montrent dans quelle voie s'engageait la royauté, bien secondée par ses légistes. Les abus des officiers royaux ne furent pas rares. Ils furent dénoncés par des conciles30 et des ordonnances royales les reconnurent, pour les interdire31. Des officiers royaux arrêtent des clercs soupçonnés de crimes, en dehors des cas (seuls autorisés) du flagrant délit. Ou bien, invoquant la théorie de la garde royale, ils font fi du privilège de clergie. Même mise à l'écart de ce privilège dans les procès portant sur des immeubles, au possessoire comme au pétitoire. De multiples ordonnances pour diverses provinces, entre 1299 et 1304, reviennent sur ces questions, cherchant toujours à restreindre la compétence des juges d'Église. 29. G. DIGARD, Philippe le Bel et le Saint Siège de 1285 à 1304, Paris, 1936, II, p. 218-223 (Instructions du roi à ses ambassadeurs auprès du pape). 30. Par exemple dans les plaintes du clergé au Concile de Vienne de 1311 (Mgr. MOLLAT, dans RHE, VI, p. 319-326). 31. Ordonnance du 3 mai 1302 pour le Languedoc et du 25 août 1302 pour la Normandie. 136

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