Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 253

La coutume. De l'autonomie au contrôle du prince outre, nombre d'institutions ou de personnalités locales demeurent profondément attachées à leurs particularismes. 298. Par certains aspects, on peut soutenir qu'il y a là une première œuvre de codification du droit en France : le travail résulte d'une décision politique de grande envergure émanant du pouvoir royal et réalisé selon une procédure d'élaboration précise. Néanmoins, les historiens du droit s'accordent généralement pour ne pas voir dans la rédaction des coutumes une codification. Un code doit être complet, du moins sur la matière qu'il entend régir, et il doit être ordonné. Les coutumes rédigées abordent rarement toutes les questions, et le plan est fréquemment défectueux. En outre, le défaut d'unification interdit lui aussi de voir dans ces rédactions diversifiées une codification. La rédaction des coutumes marque une étape vers une codification qu'elle ne réalise pas encore. 299. Les interférences entre coutumes et droit romain ont changé. La qualité même des coutumes rédigées rend souvent superflu le recours à d'autres sources, et donc au droit romain. Toutefois, ceci est vrai essentiellement dans le Nord de la France et la distinction entre pays de coutumes et pays de droit écrit tend à être plus marquée. Dans le Midi, l'influence du droit romain fut souvent déterminante10. Qu'elles soient ou non mises par écrit, sur le fond, les dispositions coutumières empruntaient largement au droit romain. La rédaction des coutumes eut donc comme conséquence indirecte mais importante de multiplier les rencontres entre droit romain et droit coutumier. Le droit du Sud de la France, et plus précisément du Sud-Est, s'inspirait désormais massivement du droit romain, qui avait progressivement transformé le droit coutumier et était inséré dans le texte même des coutumes. En conséquence, ces coutumes possédaient un caractère plus « savant ». B. La coutume rédigée sur ordre du roi demeure une coutume, mais « fait loi » 300. Une coutume se définit par son mode de formation ; la mise par écrit ne modifie pas l'origine et donc la nature coutumière de la règle. La coutume rédigée demeure coutume, avec toutefois de nouveaux traits. S'il est acquis que le caractère écrit ou oral ne change pas la nature coutumière de la norme, un autre facteur, l'intervention royale, doit cependant être pris en compte. C'est l'autorité monarchique qui demande la rédaction puis promulgue la coutume rédigée. Dès lors, la nature du texte devient ambiguë : coutume tirant son autorité du consentement populaire, ou loi dont la force obligatoire résulte du pouvoir que détient le souverain de faire la loi ? Pour les théoriciens de l'Ancien Régime, peu importe 10. Pour le Midi, notons une autre particularité ; si dans le Sud-Ouest (Bordeaux), les coutumes furent souvent rédigées, cette rédaction fut moins fréquente dans le Sud-Est (Toulouse, Aix, Grenoble). J. POUMARÈDE a montré, à propos de la coutume de Bordeaux, l'importance du mouvement de romanisation des coutumes lors de la rédaction (cf. « Droit romain et rédaction des coutumes dans le ressort du Parlement de Bordeaux », DR, Jus civile, dt fr...., p. 329-345). 253

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