Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 40

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT empereurs. Mais il se complait dans le maniement des notions juridiques abstraites, potestas regia plutôt que rex, jurisdictio generalis, tout le pouvoir étant tourné vers l'utilitas publica. La terminologie du droit romain reparaît chez cet ancien étudiant bolonais, appliquée aux besoins de son temps. Il refuse aux barons la qualité de principes. Le roi est princeps et c'est l'occasion de rappeler « le roi de France dans son Royaume est princeps ; en effet, au temporel, il ne reconnaît pas de supérieur »45. De droit ou seulement de fait ? Il ne s'engage pas dans le débat. Dans le même temps, Jacques de Révigny, lui aussi romaniste et professeur dans le domaine royal à Orléans, reprend diverses formules communes dans son commentaire des Institutes de Justinien : « Le roi... ne reconnaît pas de supérieur »46. Mais, dans sa Lectura sur le Digeste, il est plus précis. Il déclare : « Certains disent que la France est indépendante de l'Empire... Cela est impossible de jure... La France est soumise (subdita) à l'Empire »47. C'était rester fidèle au courant traditionnel chez les romanistes. Nous clôturerons avec le témoignage de Guillaume Durand, l'Ancien, dit le Speculator (1237-1296) qui sera évêque de Mende de 1286 à sa mort, dix ans plus tard. Dans son traité de procédure, le Speculum judiciale (Miroir judiciaire)48, il fait, selon l'usage, une place à la réflexion politique49. Le vocabulaire reste romain, ou du moins inspiré par Rome. On trouve princeps, mais ce n'est plus l'homme providentiel espéré par Cicéron et que voulait incarner Octave. Pour Guillaume Durand, c'est une abstraction, une catégorie juridique du pouvoir. Celui-ci est qualifié, autre terme romain, d'imperium. Mais il s'insère désormais dans une hiérarchie ignorée de Rome. Et le pouvoir suprême est dit merum imperium, ou encore, par recours à un terme romain, mais dont les canonistes ont modifié le sens, suprema et generalis jurisdictio50. Les réalités contemporaines des liens féodaux et de leurs hiérarchies restent très présentes ; mais elles sont désormais intégrées dans les relations nouvelles entre sujets et roi51. de Royaumont, op. cit., nº 17 note 32). Cet exposé de procédure romaine fournit habituellement à cette époque l'occasion d'insérer, à propos de l'appel à l'instance supérieure, un tableau des divers pouvoirs politiques et de leurs relations. Blanot cède à l'usage. 45. Sur ce texte, R. FEENSTRA, « Jean de Blanot et la formule Rex Franciae in regno suo princeps est », Études Le Bras, 1965, II, nº 32, p. 885-895. Cette expression apparaît pour la première fois dans le Traité de Jean de Blanot. Sur ce point, Feenstra confirme la position exprimée par Meijers, Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 2, 1920/21, p. 343-351. 46. M. BOULET-SAUTEL, dans les Actes du congrès d'Orléans, op. cit. 47. Le texte, utilisé déjà par Meijers, est cité par M. Boulet-Sautel, ibid., p. 25. 48. Vers 1272, nouvelle recension en 1287. 49. M. BOULET-SAUTEL, « Le princeps de Guillaume Durand », cité supra nº 17 (note 32), Études Le Bras... 50. Qui n'est plus celle des préteurs jugeant un litige, mais celle du gouverneur de province (judex) ou, mieux, celle de l'évêque qui a jurisdictio sur son diocèse. 51. Essentiel est, à cet égard, un passage du Speculum (IV, III, de feudis, § 2, note 28, cité par M. Boulet-Sautel, op. cit., p. 803, n. 16) « ... Bien que les grands barons... soient les vassaux immédiats ou les hommes liges du roi, dans le royaume duquel ils se trouvent - ou de l'Empereur, s'ils sont dans l'Empire - les hommes de ces barons ne sont pas les hommes du roi ou de l'empereur... Cependant, tous les hommes qui sont dans le Royaume de France, sont bel et bien sous le pouvoir et le principat du roi de France et sur eux il a la maîtrise (imperium) d'une juridiction générale et du pouvoir ». 40

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