Cours - Droit de l'Union européenne - 3e - 106

DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
124 On peut relever, en premier lieu, la légitimité même de la Charte. Le juge de l'Union ne
pouvait raisonnablement ignorer la Charte, document solennel, texte fondateur, préparé
par toutes les sources de légitimité, nationales et européennes, réunies, en consultation
avec les représentants de la société civile et des États candidats à l'adhésion, alors qu'il se
réfère à des textes de moindre importance, politique et juridique (résolutions, déclarations,
lignes directrices, etc.).

En deuxième lieu, la Charte a été adoptée comme si elle devait être contraignante.
D'emblée, le président de la première Convention Roman Herzog, dans son premier
discours devant l'Enceinte, avait fixé le cadre des travaux, en mettant l'accent sur deux
points : élaborer un texte qui « n'aura pas immédiatement (...) force obligatoire » et, en
même temps, devoir se « comporter comme si nous devions présenter un catalogue à caractère contraignant »9. Cette doctrine du « comme si », cette théorie de l'ambivalence, qui a
imprégné profondément les travaux de la Convention - comme en témoignent les formulations rigoureuses des différents articles et l'inclusion des dispositions horizontales les plus
importantes quant à la justiciabilité de la Charte - facilitaient évidemment l'« appropriation » de cette dernière par le juge de l'Union.
125

En troisième lieu, l'intégration de la Charte, sous une forme ou sous une autre dans les
traités, prévisible dès le début des travaux de la Convention était un élément catalyseur de
son « acclimatation » jurisprudentielle. Comment en effet le juge de l'Union pouvait-il
méconnaître les effets d'une telle Charte, alors que les différentes institutions de l'Union
se sont prononcées résolument en faveur d'une Charte contraignante, incluse dans les
traités10, et que les États membres ont fini par l'intégrer dans le projet constitutionnel
(2004)11 et de mentionner sa valeur contraignante dans le traité de Lisbonne (2007) ?
126

127 En quatrième lieu, la justiciabilité de la Charte devait être nécessairement inférée du
contrôle a priori exercé par la Commission et le Parlement sur toute proposition législative, au
regard de la Charte. En effet, depuis mars 2001, toute proposition législative de la Commission, y compris en matière internationale, fait l'objet d'un contrôle préalable de compatibilité avec la Charte et un considérant, attestant du contrôle a priori, est inséré dans les différentes propositions qu'elle fait12. De son côté, le Parlement, en vertu de l'article 38 de son
règlement, vérifie lui aussi la compatibilité avec la Charte des propositions législatives.
Faut-il alors rappeler que les considérants sont des éléments de la motivation - exigence

9. Discours du 17 déc. 1999, Charte 4105/00, italiques ajoutés par les auteurs.
10. Communications de la Commission du 13 sept. 2000 sur la Charte des droits fondamentaux, COM/2000/559 final et du
11 oct. 2000, COM/2000/0644 final ; résolutions du Parlement européen, notamment celle du 16 mars 2000 (A 5-0064/2000)
adoptée sur la base du rapport de MM. DUFF et VOGGENHUBERT et celle du 3 oct. 2000 (Charte 4951/00 CONTRIB 351) ; avis du
Comité économique et social du 20 sept. 2000 (Charte 4488/00, CONTRIB 338) ; résolutions du Comité des régions du 20 sept.
2000 et du 13 déc. 2000.
11. Rappelons que les institutions de l'Union et plusieurs gouvernements ont proposé que la CIG 2000 examinât les modalités
d'intégration de la Charte dans les traités, soit en incluant directement ses dispositions dans les traités, soit en l'incorporant
telle quelle dans un protocole annexé aux traités, soit encore en envisageant d'y faire référence dans l'article 6 § 2 UE. Mais le
sommet de Nice a préféré différer les discussions à ce sujet.
12. Communication sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 6 mars 2001, SEC (2001)
380/2 et celle du 13 mars 2001, SEC (2001) 380/3 ; communication sur le rôle de l'UE dans la promotion des droits de l'homme
et de la démocratisation dans les pays tiers, COM/2001/0252 final, du 8 mai 2001.

106

Table des matières de la publication Cours - Droit de l'Union européenne - 3e