Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 134

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

de la condition, envisagée comme une nécessité logique ; -... etc.122. - Or, assurément, je ne voudrais pas prétendre que tous les résultats, rattachés à ces applications si nombreuses de la notion d'indivisibilité, soient à rejeter en eux-mêmes.
Mais j'observe seulement que ces résultats, quand on les doit admettre, se justifient
par des motifs d'équité ou d'intérêt pratique, tandis que la conception, dont on les
fait dépendre, rarement fondée sur la nature des choses (et l'interprétation s'en est
bien aperçue, quand elle en a voulu chercher les bases), reste le plus souvent toute
subjective, de telle façon, qu'en la prenant comme fondement objectif d'une
construction juridique, on s'expose, de gaieté de cœur, à des résultats erronés.
Tantôt encore, le même travers d'interprétation s'est traduit dans l'usage
imprudent des formules, dont on a prétendu déduire des solutions, que l'examen
concret des situations juridiques pouvait seul révéler123 ; comme, par exemple,
lorsqu'on a voulu résoudre la question des risques, dans les contrats synallagmatiques, par un simple choix entre les deux adages : Res périt domino - Res périt
creditori, au lieu d'apprécier la situation respective des parties, pour imputer la
perte fortuite d'une façon adéquate à leur volonté124 ; comme encore, lorsqu'on a
cru pouvoir trancher les difficultés si délicates, que soulevait la mise en jeu de la
réserve héréditaire (réserve des héritiers renonçants ? - question du cumul de la
quotité disponible et de la réserve - question de l'imputation des libéralités
adressées à des réservataires), en caractérisant a priori la réserve : pars hereditatis - ou pars bonorum defuncti.
Or, dans toutes ces applications diverses125, je crois pouvoir relever les traits
distinctifs d'un même procédé méthodique, consistant à idéaliser les éléments vraiment pratiques et substantiels du droit, pour objectiver ensuite la conception ainsi
formée, et en tirer, comme d'un principe ferme, des conséquences, que l'on applique
aveuglément et sans plus lever les yeux vers les réalités, auxquelles on les adapte126.
122. Sur les abus de l'indivisibilité, comp. note sous Rouen, 15 avril 1898, Sir., 98-2-241.
123. Jadis, Oudot s'est élevé, avec sa grande autorité et sa profonde pénétration philosophique,
contre l'usage aveugle des formules ou adages juridiques : Premiers essais de philosophie du droit, 1846,
nos XC-CVI, p. 80-97. Conscience et science du Devoir, t. II, 1856, nos 612-624, p. 223-240. - Voy.
encore : A. Béchaux, Le droit et les faits économiques, 1889, p. 28. - Sur le rôle historique des formules et leur influence pour le façonnement des idées juridiques, voy. R. von Jhering, Geist des
römischen Rechts, § 3, Erster Theil. 5 Aufl., 1891, p. 31-35 ; 3e éd. de Meulenaere, t. I, p. 30-36. -
Adde : Lainé dans Bulletin de la Société de législation comparée, 1889-1890, t. XIX, p. 455 et p. 560.
- Aubry, dans Journal de droit international privé de Clunet, 1896, p. 728-730. Cpr., ibid., p. 732, note
4, et p. 744-745. - Et, contre l'adage : Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse haberet,
pris dans sens absolu qu'on lui donne habituellement, voy. E. LÉVY, Preuve par titre du droit de propriété immobilière, thèse de doct. Droit, Paris, 1895-1896, p. 2-6, p. 23-25, p. 87-112.
124. Comp., en ce dernier sens : R. Saleilles, Essai d'une théorie générale de l'obligation d'après
le projet de Code civil allemand, 1890, nos 181-182 et 194 ; p. 194, p. 206-207.
125. Voy. encore d'autres exemples, tirés du droit commun allemand, dans : E. Stampe, Archiv
fur die civilistische Praxis, 1893, t. LXXX, p. 421-422.
126. Je suis bien éloigné de penser que notre tradition juridique française ait constamment cédé
à l'illusion de ces procédés. Et, si, au lieu d'en présenter ici les défauts, je devais en faire ressortir les
mérites, il me serait bien facile, prenant le contre-pied de ma critique, de citer maints exemples de
théories traditionnelles, développées très finement, en dehors de tout système préconçu de construction juridique. Ex. : théories des droits réels sui generis ; des obligations in solidum ou de la solidarité
imparfaite ; - de la cause impulsive dans les libéralités (nonobstant art. 900 C. civ. franç.) ; - des
délais préfix opposés aux délais de prescription ; - des obligations naturelles à effets variables suivant
leurs sources ; - de la subrogation à l'hypothèque légale de la femme mariée ; - etc... etc... Sans
doute les conceptions idéales ne sont pas restées étrangères à la formation de toutes ces théories. Mais,
du moins, a-t-on en soin de ne pas excéder leur portée subjective et de faire toujours prédominer la
réalité et les exigences des faits sur l'idée pure.
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