Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 150

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Cette théorie rationnelle, qui détermine inconsciemment l'attitude du plus
grand nombre des interprètes modernes, a été synthétisée, par certains juristes
allemands, en une formule, malaisément traduisible : « die logische Geschlossenheit des Rechts »204, que je demande la permission de transformer librement en
celle-ci : « la plénitude logiquement nécessaire de la législation écrite ».
Voici comment on la peut, je crois, exposer, réduite à ses termes les plus
simples et dégagée de controverses, qui l'ont souvent obscurcie : La notion
moderne du droit positif n'est représentée nettement que par la loi écrite205. D'où
il suit que celle-ci doit régir toute la vie de l'humanité, en tant qu'elle est soumise à
la contrainte extérieure de l'État. Dès lors, en présence d'une situation offerte par
les rapports sociaux, on dira : ou bien elle tombe (par subsomption plus ou moins
directe) sous l'emprise des textes, alors évidemment ceux-ci s'y appliquent ; ou bien
elle échappe au domaine des prescriptions légales, d'où il résulte, qu'en vertu de ces
prescriptions mêmes, notre situation reste exempte de la contrainte de règlement,
au sens du droit de l'époque, ou si l'on veut, elle n'est soumise qu'à une loi générale
de liberté. Dans les deux cas, la loi écrite a donné (directement ou indirectement)
la solution demandée par l'organisation juridique largement entendue. - Maintenant, pour faire toute leur part aux solutions positivement fournies par les textes,
et pour ne pas étendre outre mesure la sphère d'une indépendance, quelque peu
contradictoire à l'ordre social, il faut savoir reconnaître le contenu intégral des
formules légales. La logique se montre ici nécessaire ; et, soit par l'analogie (argts a
pari, a fortiori), soit par l'exclusion (argt a contrario), elle permet de découvrir toute
la substance des règles positives. - Mais, on voit que tout règlement de la loi
écrite, fécondée par la logique206. En ce sens, on peut parler d'une plénitude, logiquement nécessaire, de la loi écrite ou, plus simplement, affirmer que celle-ci
n'offre plus réellement de lacunes. Cette dernière formule est à peu près celle de
Brinz207, qui l'a encore précisée et expliquée, en ajoutant : s'il y a des lacunes, elles
ne résident pas dans le droit, mais chez celui qui cherche à l'obtenir208.
204. C'est le titre même d'une brochure d'E. Jung, Von der « logischen Geschlossenheit » des
Rechts, Berlin, 1900, qui, d'ailleurs, combat cette conception. - Adde ci-après : Épilogue, chapitre
quatrième, n° 207-209, passim.
205. Voy. Encore A. Esmein (La jurisprudence et la doctrine) dans : Revue trimestrielle de droit civil.
1902, t. I, p. 5 : « Nous vivons, quant au droit privé, sous l'empire d'une loi écrite : le Code civil et les lois
qui 1'ont complété ». Adde A. Esmein, Note, sous Trib. comm. Seine, 4 juin 1896, Sirey, 99-1-217.
A. Esmein (La coutume doit-elle être reconnue comme source du droit civil français, Rapport à la première sous-commission de Révision du Code civil), dans Bulletin de la Société d'études législatives, 1905,
t. IV, p. 534-540 (§§ III-V). - G. Grelat, Essai d'une théorie juridique de l'instruction de service, thèse de
doct. Droit, Nancy, 1908-1909, p. 556, p. 809, qui, pourtant, attribue une importance quasi-législative à
la jurisprudence du Conseil d'État. - Sur l'importance et les difficultés du problème de discernement
du droit positif, voy. ; M. Hauriou et A. Mestre (compte rendu de L. Duguit, L'État, le droit, objectif
et la loi positive), dans Revue du droit public et de la science politique, 1902-1°, t. XVII, p. 350-353.
206. Cette théorie a été particulièrement accentuée par K. Bergrohm, Jurisprudent und Rechtsphilosophie. t. I. Das Naturrecht der Gagenwart, Leipzig, 1892, p. 372-393. Elle est nettement résumée
par L. Brütt, Die Kunst der Rechtsunwendung, Berlin, J. Guttentag, 1907. p. 73-74 (§ 5), qui en retrouve
les germes chez les coryphètes de la juridique allemande au xixe siècle : p. 87-98 (§ 5). - Voy. aussi :
Donato Donati, Il problema della lacune dell' ordinamento giuridico, Milano, 1910.
207. A. Brinz, Lehrbuch der Pandekten, t. I, erste Lieferung, 3 A, Erlangen, A. Deichert, 1884,
p. 150 (§ 32) : « Lücken », die namentlich die Analogie aus « füllen solle, existieren im Recht überhaupt
nicht », et dans Kritische Vierteljahrsschrift für Gesetsgebung unit Rechtswissenschaft, 1873, t. XV (sur
Fr. Adickes, Zur Lehre von den Rechtsquellen), p. 164 : « es gibtkeinen rechtslosen Raum im Rechte ».
208. A. Brinz, dans Kritische Vierteljahrsschrift, 1873, t. XV, p. 164 « ... ist fur diesen und diesen
Fall noch keine actio, keine exceptio, keln Erbrecht, keine Forderung, keine Refreiung gesetz, so
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