Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 162

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Mais, - sans m'attaquer au principe, pris en soi, sans chercher même à en
diminuer la portée, et en acceptant encore, sur ce point, suivant la ligne de
conduite que je me suis tracée (voy. ci-dessus, nos 6 et 31), les idées couramment
régnantes en France, - il me suffit, pour repousser l'obstacle ici proposé, d'observer que, si étendue soit la faculté d'appréciation personnelle, que nous reconnaissons aux juges, son exercice ne saurait constituer une emprise sur le terrain
législatif, du moment que l'autorité de la décision judiciaire reste limitée à l'espèce
sur laquelle elle statue. Ce qui spécifie la fonction législative, c'est le caractère,
général et permanent (relativement, du moins), de ses dispositions. Si nous permettions au juge, sous prétexte de décision judiciaire, de porter des règles générales, destinées à régir l'avenir et à s'imposer en de nouveaux procès (contrairement à l'art. 5 C. civ. franç.), assurément, il y aurait là usurpation de pouvoirs,
réprouvée par notre droit public. Mais il ne s'agit de rien de semblable.
Ou plutôt, il se cache, en l'objection qu'on nous adresse, une équivoque, qu'il
importe de dissiper.
On peut se demander, il est vrai, si l'autorité des décisions judiciaires, prises
dans leur suite constante, comme établissant pour l'interprète une direction d'ensemble, et constituant ce que nous appelons, en un sens un peu technique, la jurisprudence, ne doit pas être regardée comme une force vraiment créatrice de droit
objectif, analogue, sinon à la loi, mais plutôt à la coutume, à tout le moins contribuant à la formation de celle-ci, et, par suite, s'imposant à l'interprète, en tant que
source formelle de droit positif, avec une puissance et dans une mesure à déterminer. C'est une question, que je ne saurais éluder, et que je me réserve d'examiner
en toute franchise un peu plus loin (voy. ci dessous, chap. I, sect. 3, nos 140-149).
Ce n'est pas là notre question du moment. Ici, où nous envisageons l'interprétation, dans son actualité même, et, si je puis dire, dans son activité propre, il
reste absolument entendu, que la faculté d'appréciation, qui nous paraît indispensable, pour un exercice, adéquat à son but, de la fonction judiciaire, par cela même
qu'elle contient l'interprétation du droit, se trouve limitée, dans ses effets, à la
portée même de cette fonction, et ne dépasse pas la sphère, toute spéciale et
concrète, de ses décisions individuelles, de telle sorte que la solution juridique,
constitutionnelle, allemande, écarte, d'une façon générale, la théorie de la division des pouvoirs. Voy.
P. Laband, Das Staatsrecht des deutschen Reichs, t. I2, 1888, p. 517, note 2. - [Une note moyenne,
assez juste, me paraît donnée par J. Dubs, Le droit public de la Confédération suisse, t. I, Neuchâtel et
Genève, 1878 ; le Pouvoir judiciaire. 1. Nature et mission du pouvoir judiciaire, p. 133-134 : « L'affaire
du législateur est de fixer le droit par des ordonnances et des lois générales, l'affaire du juge est de
l'appliquer dans les cas particuliers. La fonction du juge repose donc sur le même fondement que celle
du législateur, et logiquement l'on s'exprimerait d'une manière plus correcte, si l'on divisait la législation en deux parties, comprenant : l'une, la législation générale, l'autre la législation spéciale pour les
cas particuliers. Cependant la manière de formuler importe peu, si l'on comprend bien que la judicature n'est pas seulement une espèce d'autorité exécutive du législateur, mais une fonction liée, il est
vrai, à la loi générale, mais aussi entièrement indépendante. Placée sur le même rang que le pouvoir
législatif, elle doit suppléer librement la loi ; par exemple, là où celle-ci se tait ou est obscure, elle doit
d'elle-même la compléter ou l'expliquer, et ainsi rendre justice d'une manière indépendante ». -
Adde : ibid., p. 174 (Rapports du pouvoir législatif avec le pouvoir judiciaire). - Cons, encore, contre
les excès de la séparation des pouvoirs ; N. M. Korkounov, Cours de théorie générale du droit,
trad. Tchernoff, Paris, Giard et Brière, 1903, § 48. La collaboration et la combinaison des pouvoirs,
p. 408-425. - M. Hauriou, Les éléments du contentieux, Toulouse, 1905, Introduction, notamment
p. 1-3. - J. Barthélémy (Notes parlementaires. I. De la liberté du Gouvernement à l'égard des lois),
dans Revue du droit public, 1907, t. XXIV, p. 295-311.]
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