Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 164

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

le législateur ne peut souvent que déterminer les lignes générales d'un cadre juridique donné ; il doit laisser à l'application du droit le soin de le remplir suivant les
détails des espèces16. - Au sein du développement outrancier de l'action législative, à notre époque, il semble qu'on reconnaisse, mieux chaque jour, cette vérité17,
et que les tendances des législations les plus récentes se montrent favorables au
développement de cette sorte d'individualisation judiciaire des droits privés18 ; à
tel point, qu'on a pu signaler ce mouvement, comme présageant toute une évolution, qui tendrait à déplacer le centre de gravité de la puissance formelle, génératrice des solutions juridiques19. - L'idée, du reste, n'est, en soi, pas si nouvelle20.
Et, comment n'aurait-elle pas été reconnue, de tout temps, fondée qu'elle est sur
la nature objective des choses humaines. Aussi, la rencontrons-nous, à chaque
pas, dans notre droit français, quand nous voyons notre législateur lui-même
confesser son impuissance, et concéder formellement au juge le pouvoir de compléter sa disposition trop générale, en statuant, d'après les circonstances, une véritable règle juridique autonome (Ex. : art. 112, 117, 122, 126, 131, 177, 208-211,
231, 236, 238, 302, 310 depuis la loi du 27 juillet 1884 [mais voy. aujourd'hui le
16. Voy., surtout, pour le développement complet de cette idée, O. Bülow, Gesetz und Richteramt, 1885. - Adde : Bähr, Der Rechitsstaat, 1864, p. 4 et sq. - K. Binding, Handbuch des Strafrechis, t. I, 1885, p. 34. - Förster-Eccius, Théorie und Praxis des heutigen gemeinen preuszischen Privatrechis, § 17, initio, t. I5, 1887, p. 80. - F. Regelsberger, Pandekten, § 25, I : cf. § 17, II, B, 3, § 33, I,
et § 36, in fine, t. I, 1893, p. 107 ; cf. p. 87-88, 132 et 151. - Cpr. Fr. Adickes, Zur Lehre von den
Rechtsquellen, 1872, p. 6 et 12. - Klöppel, Gesetz and Obrigkeit, 1891, p. 79 et sq, p. 220 sq. - Wach,
dans Archiv für die civilitische Praxis, t. LXIV, p. 205, note 3. - Adde, encore : Gierke, Deutsches
Privatrecht, § 16, texte et note 3, t. I, 1895, p. 1895. [- De ce point de vue, il est parfaitement exact de
dire que la jurisprudence représente le véritable droit positif. Comp. M. Planiol, Traité élémentaire de
droit civil, Paris, t. I5. 1911, p. 4, texte et note 1 (n° 11) et p. 6 (n 14, B)].
17. Voy. notamment : E. I. Bekker, Ernst und Scherz über unsere Wissenschaft, 1892, p. 86-87.
- R. von Jhering, Der Zweck im Recht, t. I3, p. 428-431. - A. Affolter, dans Archiv für öffentliches
Recht, 1896-1897, t. XII, p. 34. - Et, rappr., M. Hauriou, Précis de droit administratif, 2e éd., 1893,
p. 12. - R. Saleilles, L'individualisation de la peine, 1898, passim, notamment p. 46-47, p. 122-123,
p. 211-212. Voy. encore, pour l'accentuation de l'individualisation pénale : Proposition de loi, tendant
à compléter l'art. 463 Code pén., déposée à la Chambre, le 27 mai 1899, à la suite d'une pétition de
M. Magnaud, par M. E. Morlot, député de l'Aisne, Revue pénitentiaire, 1899. t. XXIII, p. 887.
18. Voy., quant au droit de la Suisse allemande : E. Lehr, Code civil du canton de Zurich, 1887.
Introduction, p. xxviii-xxix. - Et, pour le nouveau Code civil allemand : Endemann, Einführung in
das Studium des B. G., § 11, t. I5, 1899, p. 46-49. Adde quelques indications de P. Œrtmann, dans
Revue de l'Université de Bruxelles. 1898, t. III, p. 656-657, et Volksrecht und Gesetzesrecht, 1898,
p. 24. - Cpr., quant à la Russie : E. Glasson, Grande Encyclopédie, vo codification, t. XI, p. 813, col.
2, in fine : « ... en Russie, la loi indique plutôt au juge une tendance à suivre qu'elle ne lui donne un
ordre auquel il faut obéir. » E. Lehr, Éléments de droit civil russe, t. I, 1877, Préface, p. XI. - L'Allgemeines Landrecht für die preuszischen Staaten, de 1794, paraît avoir eu d'autres vues, Cons. Stölzel.
Suarez, 1885, passim.
19. Voy. notamment : A. Majorana, L'Evolucione storica dei rapporti fra la législation e la giurisdizione, dans Archivio giuridico, 1889. t. XLIII, p. 568-587. - Cpr. A. Morelli, La funzione legislativa, 1893, p. 288-289. - Il faudrait se garder, pourtant, de prendre le contrepied du fameux aphorisme de Bacon : « Optima est lex quæ minimum relinquit arbitrio judicis, et optimus judex qui minimum
sibi. » Au reste, en lisant tout le passage (De justitia universali, Aphorismus XLVI), on s'aperçoit,
d'après le contexte, de la portée, toute relative, que Bacon donnait à son principe.
20. On a même fait observer, que, c'est dans les monarchies absolues, que les lois sont le moins
rigoureusement appliquées. Voy. Glasson, dans Séances et Travaux de l'Académie des sciences morales
et polit., juillet 1899, t. CLII, p. 104, qui ajoute : « .... même dans un régime de liberté comme le nôtre,
tout en respectant la loi, il faut bleu la compléter ou la soumettre à une sorte d'interprétation prétorienne, pour donner satisfaction aux besoins nouveaux qui apparaissent tous les jours ». [- Adde,
encore : E. Glasson (Les sources du droit ; - à propos du présent ouvrage, Méthode d'interprétation,
1re édition, 1899) dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, 1900-10,
t. CLIII, p. 505].
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