Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 172

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Sans me prononcer, pour l'instant (voy. ci-dessous nos 112, 124 et 128), sur le
sens exact de ces derniers textes, il me suffit de signaler cette portée, qu'on leur a
attribuée, pour faire apercevoir le côté vraiment pratique de notre question, qui,
aussi bien à l'étranger qu'en France, s'est posée surtout en présence de dispositions, limitant le champ d'application de la coutume (particulièrement au regard
de la loi écrite), ou en prescrivant impérativement les conditions.
Il s'agit de savoir si de semblables textes (et, plus généralement, ceux qui déterminent les sources ou réglementent l'interprétation du droit objectif) s'imposent à
l'interprète, comme s'impose, en principe, toute loi fixant un point de droit subjectif ; de telle sorte que nous devions y chercher une direction impérieuse et obligatoire, pour fixer les règles de la méthode ; - ou si, tout au contraire, nous pouvons
passer outre aux injonctions qu'ils contiendraient, et nous tenir pour libres dans la
recherche des lois rationnelles de l'interprétation, n'attribuant ici aux textes légaux
qu'une autorité de raison, essentiellement discutable en elle-même.
On sent aisément, je pense, l'importance capitale de la question ainsi posée.
Il en peut résulter, suivant la solution qu'elle recevra, ou qu'on limite d'une façon
inattendue la puissance de la loi écrite, si l'on ne se tient pas pour lié par ses dispositions, ou, tout au contraire, si on les observe exactement, les tenant pour
obligatoires, que cette loi absorbe, pour ainsi dire, toutes les autres sources positives, et qu'elle puisse, au moyen d'un seul texte, voté peut-être dans un accès de
mégalomanie législative, réduire au silence ou à l'impuissance la coutume en
même temps que la tradition, voire même étouffer la libre recherche scientifique,
de façon à réserver place, nette et exclusive, à la seule législation écrite, pour tracer
une direction inflexible à l'interprète, dans toutes les questions juridiques.
89. Si capital soit ce problème pour tout l'avenir de la méthode juridique, je
ne sache pas qu'il ait jamais été sérieusement examiné, je dirai même nettement
posé, par les auteurs français51. Ce n'est pas qu'ils aient pu se dispenser de prendre
implicitement parti à son sujet. Mais, il ne semble pas avoir jamais été douteux, à
leurs yeux, que l'on dût suivre fidèlement, et appliquer, sans discussion, les prescriptions législatives, fixant les bases et déterminant les procédés de l'interprétation juridique, celles notamment qui écarteraient ou limiteraient le rôle naturel de
la coutume. On trouve, en effet, dans maints passages des commentaires les plus
autorisés (voy. ci-dessus, nos 18-19), la mise en œuvre de prescriptions de ce genre,
sans que la moindre objection ait été soulevée contre leur autorité impérative.
La difficulté a été mieux aperçue, encore que rarement approfondie, par la
science allemande. Et cela devait être. Étant donné la part plus large que sa doctrine
a toujours faite au droit spontané respectivement à la loi écrite52, en présence surtout de la prépondérance nettement attribuée à l'élément coutumier et populaire
51. Voy., pourtant, A. Boistel, dans Revue générale du droit, de la législation et de la jurisprudence, 1879, t. III, p. 173, qui n'hésite pas à admettre la force obligatoire d'une loi prohibant la coutume, même pour l'avenir. - Parmi les auteurs anciens, je citerai dans le même sens : Dunod, Traité
des Prescriptions, 1730, 1re partie, chap. XIII, p. 103 ; - et Merlin, Répertoire de jurisprudence,
v° Usage, § II, nos II-III, - dont la solution est reproduite par Dalloz, Rép. alphabét., v° Lois,
nos 534. - Delamarre et Le Poitvin prévoient également la question (Traité de droit commercial, t. I,
1861, p. 59, initio et p. 448-449), mais sans y insister comme il conviendrait.
52. Sur la conception germanique du droit objectif et de la loi, voy. Bertrand, Discours de rentrée, à la Cour de cassation, le 16 octobre 1888, § I, Le Droit du 17 octobre 1888, p. 981, col. 2, in
medio.
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