Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 197

LES SOURCES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEUR INTERPRÉTATION

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des rentes sur l'État, proclamé pourtant par des lois formelles (loi du 8 nivôse
an VI, art. 4 ; - loi du 22 Floréal an VII, art. 7 ; - et autres), dont le sens originaire n'avait fait doute pour personne72. - Pour concilier ces décisions, se donnant toutes comme de pures interprétations de la loi73, avec le respect dû à celle-ci,
il faut entendre, j'imagine, que, dans la pensée de la Cour suprême, le texte légal
devient un instrument de mise en œuvre juridique, qui vaut bien moins par la
volonté dont il émane que par son contenu, envisagé en lui-même et estimé suivant les ressources qu'il est susceptible de fournir à l'interprète74. Et, cette pensée
ressort, jusqu'à l'évidence, des travaux, un peu fouillés, ayant pour objectif propre
de découvrir, dans le fonds de notre législation, depuis si longtemps remué en tous
sens, la consécration de vues toutes personnelles ou de théories essentiellement
modernes75. - Aussi bien, ne s'en cache-t-on plus guère parmi nous, et les idées
des juristes allemands, que je résumais tout à l'heure, commencent-elles à se produire dans notre littérature juridique. Récemment, on nous présentait certaine
notion sociologique de la loi, permettant de la caractériser comme « l'expression
de la manière d'être d'une société à tel moment »76 ; d'où semble bien résulter, fondée sur sa nature même, une mobilité essentielle, susceptible de se traduire pratiquement dans la position chronologique, prise par l'interprète, qui la doit adapter
aux faits. Et, plus carrément encore, un jeune novateur nous dévoilait naguère
l'idéal d'une certaine école, en affirmant que « la meilleure interprétation des lois
est celle qui les plie le mieux aux besoins de l'heure présente »77.
arrêt de Nancy, du 1er mai 1875 : « Attendu que, plus on s'éloigne de l'époque où l'abus des substitutions les avait fait énergiquement proscrire comme un danger social, et plus, en une matière aussi
délicate, la sagesse conseille aux magistrats de se montrer moins formalistes et moins rigoureux, pour
en revenir, toutes les fois qu'ils le peuvent, à l'antique et sage maxime du droit romain : dicat testator
et erit lex. » Sir. 76, 2, 19, col. 3 ?
72. Voy. Civ. rej., 2 juillet 1894 et Req. rej., 16 juillet 1894, Sir. 95, 1, 5. - Civ. cass., 23 novembre
1897, Sir. 98, 1, 161, avec les notes en sens contraire de Ch. Lyon-Caen, sous ces arrêts. - Voy. aussi,
sous les deux premiers arrêts cités : note, in fine, d'E. Glasson, dans D. P. 94, 1, 494.
73. Il faut bien que la Cour de cassation s'appuie à la loi, pour rester fidèle à sa mission (voy.
ci-dessus, nos 41 et 45 ; et ci-dessous, chap. III).
74. [Comp. Ballot-Beaupré, Discours prononcé, le 29 octobre 1904, à la Sorbonne, à l'occasion
du centenaire du Code civil, dans la brochure intitulée : Le Centenaire du Code civil, Paris, Imprimerie
nationale, 1904, p. 27. Adde : p. 27-28 ; p. 32-33 ; p. 35. - Et, pour une exagération de ces idées :
M. Mornet, Du rôle et des droits de la jurisprudence en matière civile, thèse de doct. Droit, Paris, 19031904, notamment p. 152-166].
75. Qu'il me suffise de rappeler ici (voy. ci-dessous, n° 174) les travaux de R. Saleilles et
L. Josserand, prétendant trouver dans nos lois la consécration générale d'une responsabilité personnelle, indépendante de toute faute, et, comme on l'a dit, découvrir dans le Code civil le principe du
risque professionnel : R. Saleilles, Les accidents de travail et la responsabilité civile, 1897 ; - note
dans D. P. 97, 1, 433. - L. Josserand, De la responsabilité du fait des choses inanimées, 1897. - Voy.
aussi le plus grand nombre des études, citées au n° 70 (p. 153-155), sur la question de la nature juridique des masses sociales.
76. Formule citée par E. Bouvier et G. Jèze, dans Revue critique de législation et de jurisprudence, 1897. nouv. sér., t. XXVI, p. 388-389. - Voy. plus loin, ibid., p. 430-431, la conséquence, que
ces auteurs semblent disposés à en tirer. - Cpr. A. Morelli, La funzione législativa, 1893, p. 291 :
« Ogni lege, intrinsecamente considerata, é una constatacione, una riproduzione fotografica dell' atteggiamento della cosienza collettiva al mommlo in cui sorge ».
77. J . Percerou, dans Annales de droit commercial, 1898, p. 64. - Voy. encore P. Isambert, dans
la Science sociale, février 1897, t. XXIII, p. 104. - Duffeau-Lagarrossse, dans Revue critique de
législ. et de jurispr., 1899, p. 507. - M. Cosmao-Dumanoir, dans Bulletin de la Société de législ. comp.,
1898-1899, t. XXX, p. 420. - Au surplus, voy. déjà : G. Delisle, Traité de l'interprétation juridique,
1849, t. I, Introduction, in fine, p. xvi ; « Par Progrès je n'entends point le système, qui conduit à interpréter les lois dans le sens plus ou moins probable de la volonté de leurs auteurs. - Le progrès consiste,
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