Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 203

LES SOURCES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEUR INTERPRÉTATION

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maintenue (voy. Charte de 1814, art. 68 ; - Charte de 1830, art. 59 ; - Constitution du 4 novembre 1848, art. 112 ; - Constitution du 14 janvier 1852, art. 56)100.
Mais, en admettant, comme une nécessité de fait, cette permanence du matériel légal101, ne concevrait-on pas bien, tout de même, que l'interprétation proprement dite, qui applique la loi au jour le jour, suivant les besoins d'une civilisation
changeante, et au milieu d'un état social sans cesse en mouvement, dût, dans cette
application successive, s'inspirer des nécessités et des préoccupations du moment,
plutôt que de tenir les yeux invariablement fixés sur les circonstances et les considérations, qui entouraient la naissance de la loi ? Et, sans aller jusqu'à dire que la
loi, une fois constitutionnellement établie, doive être isolée de son origine, détachée
de la pensée du législateur, considérée comme douée d'une vie à part et autonome,
ne doit-on pas, du moins, tenir compte, pour son interprétation, du lien indéniable
qui l'unit à tout le mouvement social, en développant son contenu d'une façon
progressive, et faisant varier la volonté, dont elle est l'expression, comme elle eût
effectivement varié, si le législateur avait pu envisager d'un coup d'œil tout le cours
de l'évolution sociale102 ? Ne peut-on pas prétendre aussi, que l'intention probable
de l'auteur de la loi a été de laisser à l'interprète le soin d'harmoniser sa disposition
abstraite avec les transformations et les modifications de la vie103 ?
En dépit de la séduction de ces idées104, j'avoue qu'il ne me semble pas possible d'accepter en son entier le principe de direction qu'elles nous suggèrent, sans
méconnaître absolument la fonction pratique de la loi écrite. Car, comment maintenir la sécurité, qui en est l'effet essentiel et nécessaire, si le cadre, qui environne
la loi, et nécessairement en précise les dispositions, doit varier et se déformer, pour
ainsi dire, suivant le temps de son application ? - Et, une fois que l'on s'écarte de
l'époque très précise de la naissance de la loi, à quel moment s'arrêtera-t-on pour
l'interpréter ? Choisira-t-on le temps où s'est passé le fait juridique qui est à
régler ? Ce moment serait-il toujours suffisamment déterminé ? Ou bien, préférera-t-on s'en tenir à l'époque de l'application proprement dite de la loi, c'est-àdire au temps du jugement ? Pareille solution, seule acceptable en fait, parce
qu'elle est seule assez précise, aboutirait souvent à méconnaître les droits acquis
aux parties, notamment toutes les fois qu'il s'agirait de ces lois, de beaucoup les
plus nombreuses, dans la sphère privée, qui, étrangères à toute considération d'un
intérêt social supérieur à l'individu, ne consacrent, en définitive, que des présomptions ou des compléments de volonté, au profit des intéressés105 Assurément, on
peut bien demander que ceux-ci envisagent la loi, en vue de laquelle ils traitent,
d'après les idées régnantes au temps de sa promulgation. Mais, comment pourraient-ils s'attendre à une interprétation, dont les données essentielles dépendraient du moment imprévu et incertain, où leur rapport de droit se trouverait
100. Voy. ci-dessous, p. 349 (n° 94). - Comp. F. Regelsberger, Pandekten, § 26, initio, t I, 1893,
p. 109.
101. A. Eismein l'explique juridiquement, par l'idée, de la perpétuité, et de la continuité, de
l'État. Éléments de droit constitutionnel, 3e éd., 1899, p. 3.
102. Comp. J. Kohler, dans Kritische Vierteljahresschrift für Gesetzgebung und Rechtswissenschaft, 1894, t. XXXVI, p. 515-516. [- Adde ci dessus, p. 258-262 (n° 97)].
103. Comp., en ce sens : A. Affolter ; Der Positivismus in der Rechtswissenschaft, dans Archiv
für öffentliche Recht, 1896-1897. t. XII, p. 32-33. - Mais voy. une importante réserve, formulée par cet
auteur, ibid., p. 33-34.
104. Je les admettrais plus facilement, dans la forme que leur a donnée E. Meynial, note dans
Sir., 93-2, p. 163, col. 2.
105. Voy. Bluntschli, Le droit public général, trad. A. de Riedmatten, 1881, p. 87.
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