Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 208

190

MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

visant toujours à la précision de la volonté par la concision des termes, doivent
être présumées ériger en règle juridique tout ce qui ressort de leur texte130.
Toutefois, on a pu se demander, si la force obligatoire de la loi devait appartenir non seulement aux solutions positives, exprimées dans les textes légaux ou
dégagées concrètement de ceux-ci (ce qui est incontestable), mais encore aux
simples conceptions juridiques, qui apparaîtraient comme ayant inspiré le législateur et dominé ses décisions, sans donner lieu pourtant à des règles de droit proprement dites. - Il importe de bien comprendre et de résoudre, en deux mots,
cette question, qui n'a été qu'assez récemment soulevée et agitée ; surtout, ce
semble, dans les discussions, auxquelles a donné lieu l'élaboration du nouveau
Code civil allemand131.
Qu'on veuille bien le remarquer. Il ne s'agit pas, pour l'instant, d'apprécier la
légitimité du procédé de méthode juridique, qui, des règles posées par la loi ou
issues de toute autre source d'interprétation, prétend induire une conception inspiratrice, dont on tire ensuite de nouvelles conséquences. Je me suis amplement
expliqué à ce sujet (ci-dessus, nos 60-81), auquel d'ailleurs je dois revenir encore
(ci-dessous, n os 158). - La question actuelle, placée sur le terrain de la pure interprétation de la loi, est toute différente, et se présente ainsi : Supposant une conception, formellement énoncée par la loi à l'état de conception pure, ou manifestement
impliquée dans sa disposition (sans que le texte légal en formule toutes les conséquences positives)132, il s'agit de savoir, si cette conception théorique s'impose à
l'interprète, en tant qu'injonction formelle de la loi, et avec les effets pratiques
qu'elle recèle ; de telle sorte que, libellée par la loi d'une façon, pour ainsi dire,
abstraite, ou consacrée par elle avec telle ou telle conséquence, elle doive nous
induire à en conclure également toutes celles que le texte ne mentionnerait pas.
On serait bien tenté de répondre négativement, en considérant, que la mission du législateur se réduit à fournir à la pratique des règles immédiatement
utilisables, tandis que c'est le rôle propre de la science, de découvrir les conceptions pures, dans la mesure où ce procédé apparaît comme légitime, pour achever la mise en œuvre du droit133. Et, c'est sans doute en vertu d'un semblable
130. Pour l'interprétation de nos codes, en particulier, il n'est pas inutile de rappeler ces paroles
de Montesquieu, qui ont servi de guide à nos législateurs du début de ce siècle : « Les lois ne doivent
point être subtiles : elles sont faites pour des gens de médiocre entendement ; elles ne sont point un
art de logique, mais la raison simple d'un père de famille », Esprit des lois, liv. XXIX, chap. 16 ;
éd. Garnier, p. 534.
131. Au surplus, la question pourrait être élargie et posée pour tous les éléments, purement scientifiques et méthodologiques, susceptibles de figurer dans la loi : classifications, systématisations, définitions, constructions, règles dogmatiques, justifications rationnelles, toutes œuvres de raisonnement
et de logique, plutôt qu'actes d'injonction proprement dite. - C'est en l'envisageant ainsi, qu'Eisèle
l'a résolue, en un sens généralement contraire à la force obligatoire de pareilles dispositions légales,
dans Archiv für die civilistische Praxis, 1886, t. LXIX, p. 309-330.
132. Comp. L. Jacobi, dans Jherings Jahrbücher, 1896, t. XXXV, p. 7.
133. O. Fischer, Lehrbuch des preuszischen Privatrechts, 1887, p. 17. - Recht und Rechisschutz,
dans les Beiträge zur Erläuterung und Beurtheilung des Enwurfes eines B. G. für das d. Reich, de Bekker
et Fischer, VI Heft, 1889, p. 4. - Comp. R. Saleilles, la Cession de dettes, nos 39-45, dans Annales
de droit commercial, 1890, t. IV, 2, p. 38-43. - Adde le même, dans Bulletin de la Société de législation
comparée, 1889-1890, t. XIX. p. 151, et dans Annales de droit Commercial, 1809, t. XIII. p. 92. [- Voy.
aussi R. von Jhering, Esprit du droit romain, trad. De Meulenaere, 3e éd., t. III, 1887, p. 63-65 (§ 46).
- G. Jellinek, Gesetz und Verordnung, Freiburg, i, B., 1887, p. 232, visant (comme non obligatoires)
les lois qui instruisent, formulent des concepts, constatent des faits. - L. Brütt, Die Kunst der Rechtsunwendung, Berlin, Guttentag, 1907, p. 161 (§ 10), indique que, si les définitions légales sont
http://www.131.Au
Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1

Table des matières de la publication Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1
