Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 246

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Et, de nos jours, c'est encore, si je ne me trompe, la même conception, qui a
fait écarter la coutume, du nombre des sources du droit positif, par la plupart des
derniers commentateurs français298. En effet, si l'on cherche, dans nos auteurs, un
motif rationnel de cette exclusion, on n'en trouve pas d'autre que celui-ci : savoir
que, sous notre régime constitutionnel, le pouvoir législatif étant soumis, dans
son exercice, à certaines conditions précises, non pas laissé directement à la communauté sociale, mais confié, par une délégation intransmissible, à des représentants, qui ne peuvent légiférer que suivant la minutie de règles organiques détaillées, il est manifestement inadmissible que la volonté générale, quand elle se produit en bloc et sans ordre, puisse créer le droit ou faire échec à la loi sous une
forme quelconque299. Pareil raisonnement implique bien nettement admis, au
préalable, que la force obligatoire de la coutume ne se pourrait justifier, qu'en y
voyant une loi tacitement consentie.
Il est vrai, qu'un auteur éminent, qui, contrairement à l'opinion prédominante en France, n'hésite pas à compter la coutume au nombre des sources formelles du droit positif, invoque, en première ligne, à l'appui de son opinion, la
conception même, qu'avaient présentée les jurisconsultes romains, et résume ainsi
sa manière de voir : « La loi et la coutume sont donc même chose sous des apparences différentes, et il est tout naturel que la coutume, quand elle est bien implantée et générale, soit obligatoire comme la loi »300. - Mais, en se prononçant ainsi,
298. Voy. les références, ci-dessus, n° 18. - Quant à la jurisprudence, balancée entre les exigences de la doctrine et les nécessités de fait, elle ne paraît pas s'être imposé, sur la question, une ligne
de conduite bien ferme. Voy. Dalloz, Rép. alphabet., ve Lois, nos 114-115 et 529-533 ; Suppl, au Rép.,
ve Lois, nos 46 et 452, où se trouvent rapportées des décisions de portée très diverse, dont plusieurs
visent moins des coutumes proprement dites que des usages conventionnels (voy. ci-dessus, n° 110, et
ci-dessous, n° 130-133). [- Adde, entre autres : Trib. de Grenoble, 1er juillet 1899, dans Revue des
sociétés, 1899, t. XVII, p. 505-509. - Conseil d'État, 25 février 1899, Sirey, 1901, 3 98. - Trib de
paix, Paris (XIVe arr.), 7 juin 1901 et 9 janvier 1902, Sirey, 1902-2-116. - Trib. de paix, Paris (Ve arr.),
18 mars 1904, Sirey, 1904-2-148- - Trib. Seine, 8 juin 1909, Sirey, 11-2-59. - Civ. rej., 8 janvier 1912,
Sirey. 12-1-168. - Trib. Seine (7e ch ), 28 juillet 1908 et, sur pourvoi, Req. rej., 26 octobre 1909, Sirey,
10 1-95. - Voy. encore Ch. Arminjon, Attribution de la propriété des cierges employés dans certaines
cérémonies religieuses, dans Revue du clergé français, 15 avril 1908, t. 54, p. 231-289.] - À vrai dire, en
présence des tendances de notre interprétation traditionnelle, il semble, qu'on ait rarement osé poser
nettement, devant nos tribunaux, la question de la coutume. - En revanche, on connaît l'influence
excessive, attribuée à la jurisprudence, comme autorité traditionnelle. J'y reviendrai, ci-dessous, troisième partie, chap. I, section III.
299. Voy. notamment : Dissertation recueillie au Sir. 1809, 2, 376 à 380. - Demolombe, t. I,
n° 35, in medio, éd. de 1880, p. 38 ; cpr. n° 130, p. 147. - Aubry et Rau, § 29, initio, t. I5, 1897, p. 96-97.
- F. Laurent, Avant-projet de révision du Code civil, sur l'art. 28, n° 5, t. I du Commentaire, 1882,
p. 171-173. - G. Crome, Allgemeiner Theil der modernen französischen Privatrechtswissenschaft, 1892,
p. 36-37. - Dalloz, Suppl. au Rép., ve Lois, n° 46. - Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade,
Des personnes, n° 20 t. I, 1896, p. 17-18 ; cf. p. 85 [mais voy. réserves importantes à partir de la 2e édition, t. I, 1902, p. 20-21 (n° 20) ; p. 97-98 (n° 123).] - Cpr. C. G. Hello, Du régime constitutionnel,
1848, t. II3, p. 64-66. - F. Moreau, Précis élémentaire de droit constitutionnel, 2e éd., 1894, n° 295,
p. 261. [- Voyez aussi : A. Esmein (La coutume doit-elle être reconnue comme source du droit civil
français ?), dans Bulletin de la Société d'études législatives, 1905, t. IV, p. 533-534 § I). Adde p. 534 535
(§ III-V). Cet auteur a précisé les motifs, pour lesquels il convient d'écarter la coutume : 1°) nos constitutions s'y opposent, en dépit de l'exemple de l'Angleterre et des États-Unis ; 2°) l'histoire, définitivement sanctionnée par l'article 7 de la loi du 30 ventôse an XII, lui est également contraire ; 3°) l'unité
de législation, desideratum incontestable de notre état social, réprouve les coutumes locales, les seules
qui pourraient pratiquement se constituer aujourd'hui ; 4°) la sécurité du droit les prohibe toutes ; 5°)
d'ailleurs, les tendances, qui ont prévalu dans la récente législation allemande, sont en ce sens.]
300. Ch. Beudant, Cours de droit civil français. Introduction, 1896, n° 54, p. 61-62. - Voy. déjà
Toullier, Le droit civil français, t. I5, 1839, p. 127. - Adde A. Morelli, La funzione legislativa, 1893,
p. 79-81, p. 201-204.
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