Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 261

LES SOURCES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEUR INTERPRÉTATION

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exigeait le délai de celle-ci, tout au moins pour la coutume contraire à la loi, et par
une constitution dont le sens est discuté385, il est certain, en tout cas, qu'aucun texte
de ce genre n'existe dans les lois en vigueur en France386, et qu'il ne faut pas songer
à introduire, chez nous, la règle précise du droit canonique, dont l'autorité, sur ce
point, ne fut jamais universellement reconnue387. - Quant à l'exigence de la publicité, qu'on a souvent formulée aussi à l'endroit de l'usage formant coutume388, elle
n'est véritablement justifiée, que pour ceux qui en font reposer la force sur l'idée
d'une convention tacite et commune. Ayant repoussé cette idée, j'exigerai seulement, que les actes d'usage se soient révélés d'une façon suffisante, pour qu'on y
puisse découvrir l'assentiment des intéressés, auxquels on l'applique, et pour qu'ils
aient engendré une situation d'une notoriété telle, que sa méconnaissance dût gravement altérer l'organisation juridique, d'après le sentiment général389.
À côté de ce premier élément, matériel et sensible, en quelque sorte390, la coutume juridique requiert, pour son existence positive, une condition, immatérielle
et psychologique, dont le diagnostic est infiniment plus délicat et plus fin, et que
l'on traduit souvent par sa qualification traditionnelle : opinio juris seu necessitatis391. - Ce dernier mot ne doit pas ici donner le change, en faisant croire que la
385. C. 11, X, De consuetudine, I, 4 (Adde : C. 3, De consuet., in-VIe, I, 4. - C. 9, De off. ordinarii, in-VIe, I, 16. - C. 50, X, De electione, I, 6). Sur ces textes, voy. notamment : Puchta, Das Gewohnheitsrecht, t. II, 1837, p. 279-289. - Savigny, Traité de droit romain, trad. Guenoux, t. I, 1840,
p. 151-152, texte et note (bb), p. 420, note (q). - F. Regelsberger, Pandekten, t. I, 1893, p. 95, initio.
- Bien des commentateurs allemands considèrent cette règle, comme écartée par la pratique :
B. Windscheid, Lehrbuch des Pandektenrechts, § 16, note 1, t. I7, 1891, p. 42. - H. Dernburg, Pandehten, § 27, note, t. I2. 1896, p. 60. - Ed. Heilfron, Lehrbuch des bürgerlichen Rechts, t. I, 1897, p. 20,
initio. - Sur le délai nécessaire à la formation de la coutume, du p. d. v. rationnel, voy. encore :
Suarez, S. J., De legibus, lib. VII, cap. XV.
386. Sur diverses législations allemandes, tant anciennes que modernes, ayant consacré la règle
du droit canonique, ou, à son exemple, fixé le délai d'usage nécessaire pour constituer la coutume, voy.
notamment : O. Stobbe, Handbuch des deutschen Privatrechts, § 22, note 9, t. I2. 1882, p. 152.
- O. Gierke, Deutsches Privatrecht, § 20, note 50, t I, 1895, p. 171. - Adde encore L. Goldschmidt,
Handbuch des Handelsrechts, § 35, note 20, t. I2, 1874-1875, p. 328.
387. Voy. notamment : Dunod. Traité des prescriptions, 1730, partie I, chap. XIII, in medio,
p. 103-104. - Merlin, Rép. de jurispr., ve Usage, § I, no III, 52. - Le Badisches Landrecht, de 1809,
fait résulter la coutume d'un usage de 10 années ininterrompues : art. 6 f.
388. Voy. notamment : Suarez, S. J., De legibus, lib. VII, cap. X, n° 5 et cap. XI, n° 1. - Merlin,
Rép de jurispr., ve Usage, § I, no III, 2e. - Glück, Ausführlihche Erläuterung der Pandekten. t. I2. 1797,
p. 471. - Toullier, Le droit civil français, t. I5, 1839. p. 126. - Dalloz, Rép. alph., ve Lois, n° 115. -
Aubry et Rau, t. I5, 1897, p. 76 : « d'une manière non clandestine ».
389. Comp Puchta, Des Gewohnheitsrecht, t. II, 1837, p. 41-49. - Savigny, Traité de droit
romain, trad. Guenoux, t. I, 1840, p. 176. - F. Endemann, Einführung in das Studium des Bürgerlichen Gesetzbuchs, § 12, III, 1, t. I5, 1899. p. 53.
390. [P. Vander Eycken, Méthode positive de l'interprétation juridique, Bruxelles et Paris, 1907,
voit, dans l'usage (qui est pour lui la seule coutume), le résultat d'une volonté : nos 89-90, p. 147-148 ;
- et il en conclut, que l'usage de droit privé ne se peut exercer, que dans le domaine des conventions :
nos 91-92, p. 148-152.]
391. Sur cet élément, voy. notamment : Glück, Ausführliche Erläuterung der Pandekten. § 86, IV,
t. I2, 1797, p. 461-463. - Puchta, DAS Gewohnheitsrecht, t. II, 1837, p. 32-39. - Savigny, Traité de
droit romain, trad. Guenoux. t. I, 1840, p. 169-170. - Wächter, Württemb. Privatrecht, t. II, 1842, § 9,
2, p. 34. - Windscheid, Lehrbuah des Pandektenrechts, § 16, 1, t. I7, 1891, p. 41. - Dernburg, Pandekten. § 27, 3, t. I3. 1896, p. 60. - Regelsberger, Pandekten, § 20, II, t. I, 1893, p. 96. - O. Gierke, Deutsches Privatrecht, § 20, IV, 1, d, t. I, 1895, p. 167. - Ed. Heilfron, Lehrbuch des bürg. Rechts, t. I, 1897,
p. 18-19. - Endemann, Einführung in das Studium des B. G., § 12, III, 2, t. I5. 1899, p. 53. - Les auteurs
français ne paraissent pas avoir aperçu l'importance de cet élément psychologique de l'usage coutumier,
que beaucoup d'entre eux ne mentionnent même pas. Voy. notamment : Merlin, Rép., ve Usage. -
Toullier, t I5, 1839, n° 158-165, p. 125-130. - Dalloz, Rép., ve Lois, nos 112-120 et 528-531.
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