Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 272

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

dans les faits, cette autonomie particulière, en tant qu'elle s'exercerait par voie de
législation écrite, était de plus en plus refoulée par le centralisme des régimes
modernes ; en tout cas, et pour ce qui concerne la France, nous n'en avons plus
découvert aucune application incontestable, qui fût encore vivante, et méritât
d'être mentionnée. Or, tout au rebours, la coutume ne peut vivre, que grâce à ce
principe de l'autonomie, qui assure à son empire une souplesse merveilleuse et une
flexibilité l'adaptant à toute la variété des besoins sociaux. - Qu'on veuille bien,
ici, ne pas se méprendre sur ma pensée. Quand je parle d'autonomie coutumière, je
n'entends pas reprendre, à mon compte, une vieille théorie442, vivement combattue
par Puchta443, et qui prétendait fonder la force créatrice de la coutume sur le principe de l'autonomie législative (tel que l'entendait l'ancien droit germanique), supposé préexistant444. Pareille conception, absolument fausse dans son principe, faisait reposer le droit coutumier sur une base étroite et particulière, que contredisait
son caractère large et général ; à vrai dire même, elle arrivait à le nier445. Il ne saurait être question d'y revenir. Et, mon point de départ est absolument différent. Mais, en m'en référant aux idées, exposées plus haut (n° 116), sur la raison
d'être de la force créatrice de la coutume, je dis que, de cette raison d'être même, il
découle que, si les usages coutumiers peuvent se développer dans toute l'étendue
du domaine national, à la façon d'une législation absolument générale, ils peuvent
aussi, suivant les circonstances de leur formation, et comme des sortes de législations particulières, se fixer une portée bien plus restreinte, dans le sein de l'unité du
pays, soit au point de vue géographique, quant aux territoires qu'ils devront régir,
soit au point de vue social, quant aux groupes ou aux classes, dont ils constitueront
la loi spéciale446. Et, ceci m'apparaît comme une nécessité de nature, qui s'impose,
du moment qu'on accepte la puissance du droit coutumier. - Vainement, on
objecterait à l'encontre, que cette conclusion aurait pour résultat nécessaire de
porter atteinte à l'homogénéité juridique du pays447. À cela, je répondrais, d'abord,
que le principe de l'unité juridique en France n'a été posé nulle part à l'état de
dogme intangible ; qu'il n'existe, en tout cas, qu'en ce qui touche l'unité législative ;
qu'on ne pourrait lui donner une portée absolue, qu'en présence d'une législation
écrite, tout à fait complète, ne laissant place à l'action d'aucune autre source juridique, - chose manifestement impossible (ci-dessus, nos 55-58), en tout cas, non
réalisée en France (nos 37-50) ; que, d'ailleurs, le législateur y a lui-même fait brèche,
en laissant place, pour certaines questions de détail, aux usages locaux ou à des
coutumes particulières (ex. coutumes du commerce). Mais, je répondrais surtout,
que si, comme j'en ai, j'espère, fait la preuve (ci-dessus, nos 113-116), le droit coutumier s'impose à côté de la loi écrite, il le faut subir, tel que l'implique sa nature, et
avec la variété de formes que cette nature lui assigne. Il s'agit seulement, tenant
442. Soutenue encore par Etchorn, Einleitung in das deutsche Privatrecht, t. I5, 1845, §§ 25-26,
et par Maurenbrecher, Lehrbuch des heutigen gemeinen deutschen Privatrechts, I2, 1840, § 22.
443. Das Gewohnheitsrecht, t I, 1828, p. 155-160, p. 207-208.
444. Voy. la même idée, déjà présentée, quoique sous une forme différente, par Suarez, S. J., De
legibus. lib. VII, cap. IX, §§ 6-11. Cpr. cap. III, §§ 8-11.
445. Puchta, Das Gewohnheitsrecht, t. I, 1828, p. 160, p. 207-208.
446. Comp. Puchta, Das Gewohnheitsrecht, t. II, 1837, p. 106 109. - Voy. surtout : O. Gierke,
Deutsches Privatrecht, § 19 I, 4 et § 20, V, t. I, 1895, p. 143 et p. 171-172. [- J. Kohler, Lehrbuch des
Bürgelichen Rechts, t. I, Berlin, 1904, § 34, IV, p. 116] - Contra : Endemann, Einführung in das Studium des B. G., § 12, III, 3, t. I5, 1899, p. 53, dont l'opinion s'explique par ce qu'il a dit plus haut (§ 12,
II, p. 51-52), sur la valeur du droit coutumier, au regard du nouveau Code civil de 1896.
447. [L'objection est proposée par A. Esmein (La coutume doit-elle être reconnue comme source
du droit civil français ?), dans Bulletin de la Société d'études législatives, 1905, t. IV, p. 538.]
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