Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 1 - 296

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

loi, et dont la valeur abrogative doit être tenue pour d'autant moins admissible
encore, qu'elles porteraient atteinte à l'unité législative du pays.
Toutefois, je serais fort tenté de hasarder une exception an profit des coutumes commerciales. Sans m'appuyer sur l'article 2 de la loi du 15 septembre 1807,
dont le silence, quant aux usages, effacés par le Code de commerce, ne peut, d'après
ce que j'en ai dit plus haut (n° 128, p. 404), profiter qu'aux usages antérieurs à ce
Code, n'envisageant ici que les usages nouveaux, ou renouvelés par leur maintien
dans la pratique moderne, j'estime, qu'en matière de commerce, la loi écrite n'a pas
encore tellement pris le pas sur la coutume, que l'on doive, actuellement du moins,
considérer sa suprématie comme s'imposant, pour des raisons d'ordre politique ou
social ; de telle sorte qu'ici l'on peut s'en tenir à l'équivalence des deux sources582.
- En tout cas, à supposer que l'on hésitât à proclamer cette thèse, sous une forme
absolue, et à faire prévaloir des coutumes récentes (au sens précisé ci-dessus), sur
les dispositions positives, du Code de commerce, ou des lois proprement commerciales qui s'y rattachent, il me semble qu'on devrait tenir pour incontestable, que,
à raison de la puissance respective, dont elles jouissent dans notre organisation
sociale, la coutume commerciale actuellement vivante, et quelle qu'en soit, par ailleurs, la date, l'emporte sur la loi civile, appliquée subsidiairement aux rapports
juridiques de nature commerciale583. - Et, c'est ainsi, notamment, bien plutôt que
pour des raisons doctrinales584, visiblement entachées de pétition de principe, que
l'on peut considérer, comme très juridiquement fondé, le rejet des restrictions relatives à l'anatocisme (art. 1154 Code civil), dans les comptes courants commerciaux585, sauf à discuter seulement sur la portée exacte que doit conserver cette
exception au droit commun586. - C'est ainsi encore, que l'on doit aujourd'hui
tenir, pour valablement reconnue, la pratique des obligations à prime, nonobstant
l'obstacle très sérieux, que soulève contre cette pratique la loi du 21 mai 1836,
prohibitive des loteries (3587), obstacle qu'il paraît assez difficile d'écarter par de
pures considérations théoriques, si subtilement qu'on les développe588. - Enfin,
582. [Contra E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, Paris, A. Rousseau, 5e éd.
(J. Percerou), 1916, p. 42-45 (nos 49-50), qui, repoussant la force obligatoire de la coutume proprement
dite, n'admet l'usage dérogatoire, qu'à rencontre des lois simplement interprétatives de volonté. Voy.
pourtant la réserve, un peu subtile, énoncée à la p. 43(n° 49), Adde p. 44-45 (n° 50).]
583. Sur l'application subsidiaire de la loi civile aux matières commerciales, voy. notamment
Lyon-Caen et Renault, Traité de droit commercial, t. I3, 1898, nos 74-75, p. 74-77. - Et, sur la question résolue au texte, et dans notre sens, ibid., n° 82, in fine, p. 83-84. - Voy. aussi Pardessus, Cours
de dr. commercial, t. I, 1841, p 377. - La solution, à laquelle j'adhère, était positivement consacrée
par l'art. 1 du Code de commerce allemand de 1861-1869.
584. Nettement déduites par Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. IV2, 1893, n° 844, p. 570.
- Voy. aussi Pau, 3 mai 1888, D. P. 89-3-285. - Contre la valeur des raisons alléguées, voy.
E. Thaller, Traité élément. de droit commercial, 1898, n° 1438, p 801.
585. Comp. Savigny, Traité de droit romain, trad. Guenoux, t. I, 1840, p. 174-175, Adde p. 190.
- L'autorité de l'usage commercial est bien le motif principal, allégué par les arrêts, qui ont fondé
définitivement cette solution : Civ. cass., 14 mai 1850, Sir. 50, 1, 441. - Req. rej., 12 mars 1851,
Sir. 51, 1, 401. - Depuis lors, la thèse est acquise en jurisprudence : Req. rej., 16 décembre 1851,
Sir. 55, 1, 105. - Req. rej., 14 novembre 1864, Sir. 64, 1, 491. - Req. rej., 8 août 1871, Sir. 71, 1, 150.
- Cpr. Civ. cass., 28 juin 1876, Sir. 76, 1, 449 et Req. rej., 11 janvier 1887, Sir. 87, 1, 295. - Voy.
encore, en notre sens, Aubry et Rau, § 308, texte et note 67 ; [5e éd., t. IV, 1902, p. 185.]
586. Cons. ici Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. IV2, 1893, n° 845, p. 570-571.
587. Sic Deloison, Traité des Sociétés commerciales, 1882, t. I, p. 73, qui émet des considérations
intéressantes sur la force des usages dans la matière des Sociétés, nos 17-21, p. 72-75.
588. Voy., par ex., Lyon-Caen et Renault, Traité de droit commercial, t. II2, 189, n° 574, p. 380.
- On sait, d'ailleurs, que l'usage n'a pas consacré la pratique des obligations à lots, qui exigent une
autorisation particulière. Voy. Lyon-Caen et Renault, op. cit., n° 576, t. II2, p. 381-382.
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