Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 10

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

notre faculté de convaincre et d'être convaincus par le raisonnement, que dans
notre capacité d'influencer et d'être influencés par l'autorité »4.
Comme le fait entendre ce passage, c'est surtout dans l'ordre des sciences
morales, que les autorités traditionnelles consolident les résultats acquis. Car, si l'on
peut toujours, à la rigueur, reprendre les calculs par lesquels se constituent les
sciences exactes, réitérer les expériences qui forment les sciences de la nature, - dans
les recherches, qui ont l'homme pour objet, et où sa volonté joue un rôle essentiel,
le sentiment de la vérité ne se fait jour que par l'exercice même de cette volonté, et
ne s'affirme que par une accumulation d'exemples et de précédents, où chaque
époque entre pour sa part. - Ajoutez, en ce qui touche plus spécialement la jurisprudence, que la continuité de son développement, par une chaîne ininterrompue
de décisions semblables, apparaît comme une condition essentielle, pour qu'elle
réponde à son but pratique, et satisfasse, au mieux, les intérêts dont elle a charge5.
Aussi bien, et si nous descendons sur le terrain des faits, que signifie, en notre
science, le dédain des autorités, dont on se targue, quand, à chaque pas, on lui
donne un démenti formel ? - Ouvrons les plus considérés de nos ouvrages doctrinaux. Sur chaque question étudiée, à propos de toute controverse sérieuse, nous
trouverons les auteurs et les arrêts, tant anciens que modernes, rapportés avec
conscience et scrupule, cités pour ou contre l'opinion adoptée par l'auteur. - Et, si
nous consultons un livre de pratique, dictionnaire, répertoire, formulaire... etc...,
mieux encore, si nous franchissons le seuil de la justice, pour pénétrer dans l'audience, où se débat le droit vivant, nous savons bien que la lutte juridique se poursuit principalement avec les armes de l'autorité, les précédents judiciaires, d'abord,
à leur défaut, ou, pour les compléter, les citations de juristes accrédités. - Dira-t-on
que tout cet apparat, cet étalage de documents et de témoignages, n'est que pour
éclairer le jugement, sans pouvoir le déterminer ? Incontestablement fausse, quand
on considère la pratique, cette assertion ne répond pas à l'objection, alors même
qu'on la restreint à la doctrine. Car, il s'agit encore de savoir, si, en informant le
jurisconsulte, les autorités ne tendent pas, par elles-mêmes, et quoiqu'on en ait, à
influencer sa décision. - Précisera-t-on, en ajoutant que, si ce résultat est possible
en fait, il ne saurait être tenu pour légitime ? Ce serait pure pétition de principe, ou,
du moins, affirmation sans preuve. Car, tout justement, nous recherchons si l'autorité ou la tradition n'ont pas titre et qualité pour tracer sa voie à l'interprète. Or, en
constatant, qu'en fait, la jurisprudence positive n'a jamais pu s'en déprendre ni s'en
passer, en relevant leur puissance effective dans l'interprétation pratique du droit,
nous suscitons un préjugé sérieux en faveur de la légitimité de ces procédés. Que par
là ne se trouve pas démontrée leur valeur absolue, d'accord. Mais, du moins,
sommes-nous conduits à nous rendre compte de la raison d'être de leur influence,
et à pénétrer le secret de leur force indestructible6.
4. A.-J. Balfour, Les bases de la croyance, trad. G. Art, p. 183. - Voy. d'ailleurs, tout le chap. II
de la 3e partie, p. 153-183 ; et la préface de Brunetière, § IV, initio, p. XXVII-XXVIII. - Comp. encore :
R.  P. Thibaut, S.  J., Le système de croyance de M. Balfour, dans Revue des questions scientifiques,
20 avril et 20 juillet 1897, 2e série, t. XI, p. 443-445 ; t. XII, p. 137-138, p. 144-149.
5. Sur la loi de continuité, dans la jurisprudence, voy. notamment : Sàvigny, Traité de droit
romain, trad. Guenoux, t. I, 1840, p. 35, texte et note (b), et p. 83. - En droit, l'important est, plus
souvent, l'existence même d'une règle, que son mérite intrinsèque.
6. Au point de vue sociologique, on peut, à l'exemple de G. Tarde (Les transformations du droit,
1893, p. 187-189), rattacher à l'imitation l'influence reconnue de la doctrine et de la jurisprudence. Il
est trop clair que, si intéressante qu'elle soit, cette observation ne résout rien, en ce qui touche le mérite
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