Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 109

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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leur essence même imposait le caractère unilatéral, - notre droit écrit en admet
d'autres, tels que les renonciations à un droit réel (renonciation à usufruit, art. 622
C. civ. franç. ; - renonciation à hypothèque, art. 2180-2° ; - renonciation à divers
droits réels immobiliers art. 1-2° et 2-2°, loi du 23 mars 1855), - qui se ramènent,
en définitive, à l'enrichissement d'une personne par la seule volonté d'une autre,
et dont le législateur eût pu, sans conteste, subordonner l'effet à l'acceptation du
bénéficiaire. - On dit, je le sais, qu'il y a là, aussi bien que dans l'occupation et en
d'autres actes analogues, des exceptions au droit commun, voulu du législateur ;
et l'on n'hésite pas, du moins, à considérer, comme formellement exclue par le
Code Napoléon, la possibilité même de la création d'une obligation par l'œuvre
d'une seule volonté, tendant directement à ce but, et prétendant se lier elle-même
par sa promesse293. Mais, si l'on recherche la raison d'être de cette opinion commune, ou l'explication de ce préjugé général, on en trouvera difficilement une
autre que celle-ci, savoir qu'aucun texte de nos lois ne consacre la volonté unilatérale comme source de droit subjectif, et que ce silence suffit à l'exclure. - Plus
précisément encore, le raisonnement implicite de nos auteurs semble s'établir à
peu près ainsi : Le Code civil français énumère limitativement les sources d'obligation (C. civ., liv. III, tit. III et art. 1370). Or, son énumération ne contient pas
l'acte de volonté unilatérale. Donc, cette cause d'engagement se trouve, par là
même, écartée. J'ose dire que, si catégorique qu'elle paraisse, semblable argumentation est loin de me convaincre. Car, sans discuter le point de savoir, si la promesse unilatérale ne peut effectivement rentrer dans l'énumération, si générale et
si vague, de l'art. 1370, je voudrais bien savoir, avant tout, sur quoi l'on base, dans
notre droit moderne, cette assertion, que la loi énumère limitativement et exclusivement toutes les sources d'obligation. De telle sorte que, contestant à la fois la
mineure et la majeure du syllogisme, qu'on m'oppose, j'éprouve grand doute à en
accepter la conclusion. - Et, vainement voudrait-on relever ou fortifier celle-ci,
en ajoutant que la théorie du Code, sur la formation du contrat par le consentement (art.  1108 et sq.), exclut nécessairement l'idée, que la simple pollicitation
puisse, avant acceptation, engager celui dont elle émane. En admettant que telle
ait été la pensée du législateur, à l'endroit d'une offre de contrat, dans des conditions normales294, il n'en résulterait qu'une seule chose, c'est qu'il a présumé, non
sans raison d'ailleurs, cette offre normalement précaire ; on ne saurait légitimement en conclure, ni que cette fragilité soit essentielle à l'offre, de par sa nature,
encore moins que toute déclaration de vouloir s'obliger, dans quelques conditions
qu'elle se présente, soit, en tant que pure promesse, inopérante, inefficace. - En
somme, du point de vue strictement légal, si l'on veut, suivant les règles d'une
saine interprétation de la loi (voy. ci-dessus, nos  98 et sq.), ne pas dépasser ici la
pensée ni la volonté du législateur, on doit dire, ce semble, que, n'ayant pas aperçu
la question par nous posée, il n'a pu vouloir la résoudre ; qu'à tout le moins, et en
admettant qu'il doive être supposé l'avoir tranchée négativement, dans l'intime de
sa pensée et par une sorte de subconscience, sous l'inspiration d'une tradition
293. Voy. notamment : Larombiere, Théorie et pratique des obligations, sur l'art. 1101, n° 9, t. I2,
1885, p. 6-7. - Aubry et Rau, § 343, 2°, t. IV4, p. 291-293 ; [5e éd., t. IV, p. 479-483] - Demolombe,
L. XXIV, nos 45 et 63.
294. Aussi admet-on, généralement, que, dans certaines conditions spéciales, l'offre lie, par ellemême, le promettant.  Aubry et Rau. §  343, note 12, t.  IV4, p.  292 ; [5e édit, p.  482]- (Contra
Larombiere, sur l'art. 1101, n° 14, t. I2, 1885, p. 12-13). - Il est vrai, qu'on prétend expliquer cela par
l'idée d'un contrat tacite. Demolombe, t. XXIV, n° 65. - Mais l'explication est manifestement insuffisante. Voy. R.  Worms, De la volonté unilatérale considérée comme source d'obligations, thèse de
doctorat. Droit, Paris, 1890-1891, p. 176,
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