Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 110

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

historique, d'ailleurs bien vague, ce sentiment inexprimé et secret ne peut, comme
tel, s'imposer à l'interprète (voy. ci-dessus, nos 38 et 106). - Finalement donc, la
loi, aussi bien que la coutume, étant muettes, nous devons résoudre la difficulté
par voie de libre recherche scientifique.
Ce terrain une fois assigné à notre investigation, faut-il, sans hésiter, résoudre
affirmativement la question proposée, comme l'ont fait de hardis novateurs, soit
en invoquant l'indépendance illimitée du vouloir humain, la souveraineté de la
volonté individuelle295, soit plutôt, ou, en môme temps, en insistant sur les nécessités sociales, en faisant sentir, notamment, que les nouveaux rapports, créés par
la civilisation contemporaine, requièrent énergiquement la faculté, pour chacun,
de profiler, à son gré, des engagements, auxquels s'est astreinte la libre volonté
d'un promettant296. - Ce serait, à mon avis, dépasser le but et exposer l'idée nouvelle à un échec sans remède. Tout ce qu'on peut, je crois, affirmer ici de générai,
c'est que rien, a priori, dans notre ordre juridique positif, ne fait obstacle à la
reconnaissance de l'engagement par promesse unilatérale, que, même, cette reconnaissance se présente, prima facie, comme une conséquence, fort naturelle en soi,
de l'autonomie de la volonté, telle que la recommande l'organisation sociale
moderne (voy, ci-dessus, t. II, p. 151-152). Pourtant aussi, rien n'impose, absolument, de sanctionner tout engagement de ce genre. Dès lors, et puisqu'il s'agira,
en réalité, de savoir, dans quels cas et à quelles conditions, la volonté unilatérale
devra être érigée en source positive d'obligation juridique, la réponse ne se pourra
dégager, que d'un examen attentif des dangers et des avantages, que présente semblable engagement. - Or, tout d'abord, nous sentons assez, qu'une volonté unilatérale ne doit être tenue pour juridiquement liée qu'autant qu'elle a, sérieusement
et fermement, été dirigée vers une obligation effective. Mais, dans bien des cas, et
en l'absence surtout de prescriptions de forme, que la loi ou la coutume pourraient seules organiser, il sera fort difficile, et non sans péril, de tenir, pour suffisamment sérieuse et ferme, toute expression de volonté, tendant à une obligation
du promettant297, Il conviendra, donc, de se montrer exigeant sur la nature de la
déclaration nécessaire, et d'en mesurer l'effet à son assiette psychologique. D'autre
part, même en présence d'une volonté paraissant incontestable, et pour en évaluer
la puissance juridique, il faudra se demander, s'il existe un intérêt social véritable,
à la tenir pour obligatoire en elle-même, et avant que l'adhésion de celui, à qui elle
doit profiter, soit venue s'y ajouter, pour la fixer en un contrat proprement
dit. Ceci s'établira par un examen des avantages moraux, politiques, économiques,
sociaux enfin, de semblables promesses. - Et, de ce point de vue, on se trouvera
amené à déclarer obligatoires, non pas toutes promesses unilatérales, mais celleslà seulement, qui paraîtront indispensables, pour atteindre un résultat socialement désirable et impossible à réaliser pratiquement par une autre voie, lorsque,
d'ailleurs, elles ne sont pas de nature à engendrer une incertitude de propriété par
295. H. Siegel, Das Versprechen als Verpflichtungsgrund im heutigen Recht, 1873, passim,
notamment, Vorwort, et p. 20-21. Adde p. 42-43. - Cpr. : R. Worms, De la volonté unilatérale considérée comme source d'obligations, 1891, passim, notamment, p.  6, p.  89-91, p.  197-200. -
R. Saleilles, Essai d'une théorie générale de l'obligation, 1890, nos 141-142, p. 142-144 ; [2e éd., 1901,
p. 147-149.] - Colmet de Santerre, dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et
politiques, 1893, 2°, t. 138, p. 143-144.
296. G. Tarde, Ces transformations du droit, 1893, p.  121-123 ; et, dans Revue de Paris, n° du
1er août 1898, p. 639-630.
297. Ed. Lambert, Du contrat en faveur de tiers, 1893, § 45, p. 56 ; § 48, p. 59. - Cpr. A. Brinz,
Lehrbuch der Pandekten, § 248, texte et notes 40-42 ; t. I2, 1879, p. 142 ; cpr. p. 141.
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