Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 125

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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rapprocher de la libre recherche scientifique, que nous avons reconnue comme
faculté indispensable à l'interprète du droit positif383.
À vrai dire même, on pourrait sérieusement se demander, si la libre recherche
est d'une autre nature que le pouvoir discrétionnaire, ou si elle n'en serait pas plutôt une simple application, imparfaitement aperçue jusqu'ici. Le problème, ainsi
posé, est trop gros, pour être résolu à cette place, qu'il domine manifestement par
sa vaste envergure. J'avoue sincèrement, d'ailleurs, que je recule devant la perspective effrayante, d'avoir à en réunir moi-même tous les éléments, dont je découvre à
peine quelques germes dans l'ensemble de notre littérature juridique384.
Faute de clartés suffisantes, obtenues par des efforts, qui auraient à se poursuivre dans les différents domaines du droit : droit public général, droit administratif, droit pénal, procédure civile, droit privé, sans parler des considérations
politiques et économiques qu'il faudrait faire intervenir au problème, je me bornerai, après avoir signalé l'analogie des deux institutions, à présenter quelques
observations, tendant à maintenir, entre elles, des différences, qui puissent, provisoirement, du moins, et sous réserve d'un mieux informé ultérieur, conserver
encore à chacune ses traits caractéristiques.
Et d'abord, j'estime, qu'en vue d'une analyse un peu précise, il importe de
mettre à part le pouvoir discrétionnaire des gouvernants ou des agents administratifs, comportant, à raison de son objet, des règles particulières, pour ne retenir,
ici, que la libre appréciation laissée au juge, dans le domaine strict de la juridiction, qui, seule, mérite d'être rapprochée de la libre recherche des règles juridiques,
telle que nous l'avons considérée. Encore faut-il, que cette appréciation s'exerce,
non pas sur le fait385, c'est-à dire sur les circonstances de la vie ayant donné lieu à
litige, mais sur le droit, soit la reconnaissance ou la mise en œuvre des règles, destinées à imposer aux faits certaines conséquences, au besoin par le jeu des forces
sociales et en dépit des résistances intéressées386.
Dans les lignes ainsi précisées, tout en confessant que pouvoir discrétionnaire
et libre recherche ne sont guère que deux branches d'une même faculté de précision
individuelle du droit, on peut, je crois, les prenant telles que nous les rencontrons en
pratique, relever entre elles certaines divergences de jeu ou d'effet.
Il y a lieu de remarquer, notamment, que, tandis que le pouvoir discrétionnaire du juge est reconnu par tous, du moins en son principe, il n'en est pas de
383. Voy. ci-dessus, t. I, p. 119-120 (n° 58) ; p. 208 (n° 84) ; p. 212-214 (n° 85). Comp. : p. 321-322
(n° 110) ; p. 423-424 (n° 131) ; t. II, p. 75-76 (n° 155) ; p. 109-113 (n° 163) ; p. 142-143 (no°168) ; et
ci-après, n° 180.
384. Le problème du pouvoir discrétionnaire a été étudié d'assez près par R. von. Laun, Das freie
Ermessen und seine Grenzen, Leipzig u. Wien, F. Deuticke, 1910. - Mais, bien qu'il prétende embrasser
la question dans son ensemble, l'auteur n'insiste guère que sur le pouvoir discrétionnaire de l'Administration. Et, il consacre des développements intéressants à la jurisprudence, de notre Conseil d'État,
sur le « détournement de pouvoir ». - Auparavant, avait été présenté, le 27 février 1903, à la Vereinigung für staatiswissenschaftliche Fortbildung in Berlin, par R. Stammler, un exposé (Vortrag), sur
« das richterliche Ermessen », dont un résumé intéressant fut publié par Brückmann, dans Deutsche
Juristen Zeitung, 1903, t. VIII, p. 192-194. - Voy. aussi : P. Œrtmann, Freies und unfreies Ermessen,
dans Deutsche Juristen-Zeitung, 1913, t.  XVII, p.  186-191. - Stier-Somlo, Das freie Ermessen in
Rechtssprechung und Verwaltung, Tübingen, 1908 (Festgabe für Laband).
385. Sur la distinction du fait et du droit, cons. ci-dessous, n° 180. - Encore une matière, qui
mériterait, par son importance et sa difficulté, une étude spéciale.
386. Comp.  Fr Geny, Science et technique en droit privé positif, t.  I, Paris, Sirey, 1914, n°  16,
p. 47-52, Adde nos 13-15, p. 42-47.
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