Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 143

VALEuR RESPECTIVE DES DIVERS MOYENS DE L'INTERPRÉTATION

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pour la certitude de la vie juridique. Et, s'il faut affirmer énergiquement leur légitimité, de principe, il convient de restreindre, autant que possible, leur fréquence,
dans l'application. Si les arrêts de notre Cour suprême n'ont plus, en aucun cas,
un caractère réglementaire, quand ils affirment une solution juridique précise, ils
agissent bien un peu, en fait, sur notre pratique, à la façon des anciens arrêts de
règlement. Dès lors, de tels arrêts, dans les cas que le législateur a abandonnés à la
controverse, ne devront intervenir, que suivant l'exemple des anciens arrêts de
règlement, « quand la matière est de conséquence, qu'elle arrive souvent, et que
leur autorité peut s'étendre jusqu'à les déterminer pour toujours »46. - Hors de là,
un arrêt de rejet, évitant de se prononcer catégoriquement, et réservant le point de
droit litigieux, sera souvent la mesure la plus sage.
De cette sorte, la jurisprudence de la Cour de cassation, s'établissant par
degrés et à la longue, en des éléments d'autant plus fermes qu'ils seront plus mûris,
aura tous les titres légitimes, pour contribuer à ces solides formations coutumières, qui, constituées par les pratiques appuyées à une jurisprudence établie,
doivent représenter, à l'heure actuelle, comme je l'ai montré précédemment
(nos 123 et 149), le meilleur complément formel de la loi écrite.
182. Et maintenant, n'ai-je, en tout ce qui précède, exprimé qu'une opinion
personnelle, sans aucune chance sérieuse d'influer sur une manière de faire nettement arrêtée en sens contraire ? - Assurément, je ne voudrais pas imputer à notre
plus haute juridiction toutes les témérités que je viens d'émettre. Même, je
conviens sans peine, qu'a priori, il me semblerait très hasardé, de vouloir chercher,
dans sa jurisprudence, à propos d'idées de leur nature aussi fuyantes, que celles
que j'agite ici, la confirmation ou l'infirmation d'un système préconçu quelconque. - Mais, il me plaît, aussi bien d'ailleurs qu'il me suffit, de relever, dans
quelques exemples, glanés, un peu à l'aventure, des indices, assez nets, d'une tendance, bien vague et bien timide, je le reconnais, à ne pas censurer positivement
certaines solutions de droit, sans, d'autre part, les approuver formellement.
Il est vrai, que la Cour de cassation ne s'est pas imposé, d'une façon générale,
une ligne de conduite aussi réservée. Et, à propos de questions infiniment délicates, qui lui ont paru devoir être tranchées, à côté, sinon même à l'encontre, du
texte légal, elle n'a pas hésité à adopter, d'emblée, une solution positive très hardie. - Ainsi, tout en paraissant se prononcer, malgré le texte [primitif] de l'art. 331
C. civ. franç., pour la validité de la légitimation des enfants incestueux, par un
mariage contracté avec dispenses, Duranton avait cru prudent d'ajouter : Mais il
faut le dire, si un arrêt rejetait la légitimation, comme il serait rendu en conformité
de la lettre de « la loi, il serait à l'abri de la censure de la Cour suprême ; et probablement, s'il l'avait admise, il ne serait point, non plus, cassé ; du moins, nous ne
serions pas d'avis de la cassation »47. Saisie de la question, par trois pourvois
presque simultanés, en 1867, la Cour de cassation a été bien plus osée. Et, tandis
qu'elle rejetait celui formé contre un arrêt, qui avait reconnu valable la légitimation, elle cassait, par des motifs identiques, les deux arrêts qui l'avaient repoussée,
affirmant ainsi, très positivement, son sentiment sur la question48. - En d'autres
46. Dunod, Traité des prescriptions, Dijon, 1730, p. 105, in fine.
47. Duranton, Cours de droit français, 4e édition, 1844. t. III, n° 177, in fine, p. 172.
48. 2 Civ. cass., et 1 Civ. rej., 23 janvier 1867. Sir. 67, 1, 49. - Voy. la note (1), Em. Moreau, sous
ces arrêts, en Sirey, loc. cit., col. 1-2. [- Aujourd'hui, la question de validité de la légitimation des
enfants incestueux semble bien tranchée affirmativement, d'après le nouveau texte, donné à l'article 331 C. civ. franç., par la loi du 30 décembre 1915].
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