Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 162

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Toutefois, il est à prévoir, qu'on songera à tirer, de ces observations, une
objection, toute pratique, contre notre mouvement lui-même. Les spéculations,
sur la méthode et les sources, sont, dira-t-on, vaines et superflues, puisque, en fait,
la mise en œuvre du droit dépend exclusivement de l'autorité judiciaire, qui, l'expérience le montre, s'adapte, d'elle-même, aux nécessités. - On sent, pourtant, que
l'objection, ainsi présentée, part d'un point de vue bien étroit, et qu'elle tend, si on
la pousse jusqu'au bout, à nier toute influence doctrinale. À peine de se réduire à
un rôle exclusivement empirique, la jurisprudence ne peut se passer du secours et
de l'appui des auteurs. Ses travaux, conduits au jour le jour, et circonscrits au
domaine concret des espèces, doivent, pour se soutenir et se développer, être dirigés par les vues d'une doctrine perspicace, et condensés en de fortes synthèses. De
fait, il en a toujours été, plus ou moins, ainsi3. Et, pour en être assuré, il suffit
d'observer, comment, en présence d'une législation nouvelle on des autres évolutions plus discrètes du droit positif, les exposés des auteurs apparaissent nécessaires, pour ouvrir la voie aux décisions de justice, ou en résumer et critiquer les
tendances. Si, donc, la doctrine reste en arrière des arrêts, si elle s'ankylose en des
conceptions rigides et incapables de s'accommoder aux faits, il s'ensuivra, nécessairement, que la jurisprudence, détournée, par les exigences des affaires, de suivre
une direction rétrograde, restera livrée aux oscillations de l'empirisme, ou s'arrêtera dans sa marche en avant, comme on a pu l'observer à certains moments du
xixe siècle4. - Au vrai, c'est à la doctrine, plus dégagée des contingences du fait,
moins alourdie par les responsabilités effectives, qu'incombent les hardiesses et les
innovations. Non contente de relever et d'apprécier les décisions judiciaires5, elle
doit les devancer, les susciter, les diriger dans la voie du progrès. Et, les promoteurs du mouvement, que nous défendons, n'ont pas demandé autre chose6.
Or, - il en faut bien convenir, - jusque vers la fin du xixe siècle, la méthode juridique de nos auteurs modernes était restée sous l'emprise de conceptions fort étroites.
Sans doute, son développement continu recélait les germes d'une rénovation profonde. Le terrain paraissait admirablement préparé, pour une production plus abondante et plus variée. Chacun sentait la nécessité d'un élargissement des procédés. Malgré tout, pourtant, on restait rivé à ce postulat, d'un droit, reposant tout entier sur la
loi écrite et soumis à une stricte logique, qui paralysait les efforts les plus décidés7.
(1804-1904). Livre du centenaire, Paris, A. Rousseau, 1904, p. 105-107. p. 120-127. - J. Charmont, Les
analogies de la jurisprudence administrative et de la jurisprudence civile, dans Revue trimestrielle de droit
civil, 1906. t. V, p. 813-846. - Comp. Fr. Geny, Science et technique en droit privé positif, t. I, Paris,
1914, p. 34 (n° 9), avec les références de la note. 2 ; et 1re édition de Méthode d'interprétation.
3. Voy. notamment : Edm. Meynial (Les recueils d'arrêts et les arrêtistes), dans Le Code civil (18041904). Livre du centenaire, Paris, A. Rousseau, 1904, t. I. p. 191-204, notamment, p. 175. p. 177, p. 184,
p. 186-187, p. 193, p. 195-196, p. 203. - Adde : J. Charmont et A. Chausse, Les interprètes du Code civil,
même recueil, t. I, p. 133-172. - M. Planiol, Traité, 6e éd., t. I. nos 52-53, p. 18-20 et nos 127-133, p. 47-52.
4. Voy., par exemple, J. Bonnecase, La Thémis, 2e éd., Paris Tenin, 1914, p. 131-132.
5. Voy. A. Esmein, La jurisprudence et la doctrine, dans Revue trimestrielle de droit civil, 1902, t. I,
p. 5-19.
6. Voy., notamment, R. Saleilles : (Le droit commercial comparé), dans Annales de droit commercial, 1891, t. V, 2e partie, p. 219. - (Étude sur l'histoire des sociétés en commandite), dans Annales de droit
commercial, 1897, t. XI, p. 49, texte et note 2. - (École historique et droit naturel), dans Revue trimestrielle de droit civil, 1902, t. I, p. 104. - (Droit civil et droit comparé), dans Revue internationale de l'enseignement, 1911-1°, t.  LXI, p.  23-25. - Adde  M. Mornet, Du rôle et des droits de la jurisprudence en
matière civile, thèse de doct. Droit, Paris, 1903-1904, nos 67-68, p. 186-192, p. 195, p. 196-197 (n° 70).
7. Voy, toute la première partie du présent ouvrage : nos 7-30, t. I, p. 17-60 et p. 10-13 (nos 4-5). -
Adde Fr. Geny, Science et technique en droit privé positif, t. I, Paris, L. Tenin, 1914, p. 25-26 (n° 8) ;
p. 37-38 (n° 11).
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