Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 215

LES POuVOIRS Du JuGE D'APRèS LE CODE CIVIL SuISSE Du 10 DÉCEMBRE 1907

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ne comprennent certainement que les coutumes générales, en vigueur dans toute
la confédération42. Quant aux coutumes spéciales à certains cantons, elles n'y
valent, suivant l'art. 5 al. 1er, que pour les matières, où la compétence législative
des cantons a été maintenue, par exception au principe de l'abrogation en bloc du
droit civil cantonal, consacré par l'article 51 du titre final (de l'entrée en vigueur
et de l'application du Code civil)43. Enfin, l'usage local, proprement dit, ne lie le
juge, que s'il est réservé par la loi, auquel cas, il devient règle de droit, à l'égal de
celle-ci ; cela résulte de l'article 5, al. 244. - Même général, le droit coutumier ne
peut intervenir, que pour compléter la loi ; la place subsidiaire, qui lui est assignée, exclut nécessairement toute coutume dérogatoire à la loi45. Il semble, même,
qu'elle empêche d'attribuer une valeur positive à la coutume, purement interprétative (interprétation usuelle)46.
Et, bien que le Code n'ait pas défini la coutume, il paraît plus sûr, de n'y pas
comprendre l'usage judiciaire, qui n'en offre pas les caractères traditionnels47.
Si la coutume, admise, dans les termes qui viennent d'être dits, se trouve manquer elle-même, l'article 1er ouvre la porte à l'appréciation du juge et ne lui assigne,
comme directive, que de prononcer selon les règles qu'il établirait s'il avait à « faire
acte de législateur »48. - C'est l'idée même, que, m'inspirant de passages d'Aristote
et de Merlin, j'avais proposée, dès 1899, à une époque où l'avant-projet du Code
civil suisse, qui devait déjà la consacrer, n'avait pas encore été publié49. - Son mérite
est moins de marquer à l'interprète un idéal très net50, que de rehausser sa mission,
en réduisant, par une sorte de délégation, la distance qui sépare le juge du législateur. Tout en lui assignant un certain but qui puisse contenir, en quelque mesure,
ses écarts, en fait, elle reconnaît au juge une grande liberté, soit pour distinguer les
intérêts méritant reconnaissance et sanction juridiques, soit pour assigner aux faits
qui les traduisent leur règlement nécessaire51. Cela ne fait pas, des décisions
du Code civil suisse (Semaine judiciaire de 1901), s'était prononcé, contre la consécration du droit
coutumier par le Code civil suisse, et considérait la science juridique, comme devant fournir au juge les
règles de droit nécessaires pour suppléer à la loi.
42. M. Gmür Anwendung des Rechts, 1908, § 5, II, 1, p. 85-88. Comp. p. 128 (§ 8. I. 1) - V. Rossel,
Code civil suisse, éd.  annotée, Lausanne, Payot, p.  11-12 (Introduction). - Contra : H.  Chaudé,
op. cit., p. 118 (sans étude de la question).
43. M. Gmür, Anwendung des Rechts, 1908, p. 88-89 (§ 5, II, 1-3) et p. 128 (§ 8. I. 1).
44. M. Gmür, Anwendung des Rechts, 1908, p. 89-90 (§ 5, II, 3-4) et p. 128 (§ 8, I. 1). - Adde Pfenninger, Uebung und Ortsgebrauch im Z. G. B., dans Zürcher Beiträge zur Rechtswissenschaft. H. 37.
45. M. Gmür, Anwendung des Rechts, 1908,§ 5, III, 3, p. 94-96 et p. 128 (§ 8, 1, n.) Adde, p. 129130 (§ 8, 1, 2). - Contra : V. Rossel et F.-H. Mentha. Manuel du droit civil suisse, Lausanne, Payot,
t. I, p. 65. - Mais voy. V. Rossel, Code civil suisse, éd. annotée, p. 11-12 (Introduction).
46. M. Gmür. op. cit., § 5, III, 2, p. 93-94 et p. 128 (§ 8, I, 1). - Adde p. 129-130 (§ 8, I, 2).
47. M. Gmür, op. cit., § 5, IV, p. 96-97 et p. 128 (§ 8, I, 1).
48. Sur cette disposition, voy. notamment : M.  Gmür, Die Anwendung des Rechts, 1908. §  6,
p. 100-116. - H. Chaudé, op. cit., p. 113-117. - A. Martin, Observations sur les pouvoirs attribués au
juge pur le Code civil suisse, Genève, 1909, p. 5, p. 19-87 (II). - V. Rossel et F. H. Mentha, Manuel du
droit civil suisse, Lausanne, Payot, t. I, p. 65-66. - Les motifs de l'Avant-projet présentaient une explication insuffisante de la disposition analogue, portée dans l'Avant-projet. Voy. à cet égard O. Bulow,
Ueber das Verhältnis der Rechtsprechung zum Gesetzesrecht, dans Das Recht, 1906, t. X, p. 772, note 6.
49. Fr. Geny, Méthode d'interprétation et sources, Paris, 1re éd., 1899, p.  460, texte et note 1
(n° 156) ; 2e éd., t. II, p. 78, texte et note 1. - Comp. Jordan, cité ci-après, t. II, p. 343, texte et notes 1
(n° 208 Épilogue, chapitre quatrième).
50. Comme le prétend M. Gmür, Anwendnng des Rechts, 1908, p. 106-107 (§ 6, II, 2), qui, pourtant, croit devoir fixer au juge quelques directions plus nettement objectives : p. 108-109 (§ 6, II, 2).
51. M. Gmür, Anwendung des Rechts, 1908, p. 103-104 (§6, II, 1) ; p. 130 (§ 8, I, 2).
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