Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 243

LE MOuVEMENT Du « FREIES RECHT » (LIBRE DROIT) DANS LES PAYS AuSTRO-ALLEMANDS

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imprégnaient tout son exposé, - sans parler de rapprochements intéressants avec
les questions constitutionnelles126, et d'une conception, pénétrante et féconde, de
l'essence même du droit127 - emportaient la conviction, en faveur de cette thèse, si
simple, pour la première fois invinciblement démontrée128, que l'organisation juridique positive, même la plus parfaite, laisse inévitablement ouverts certains vides,
que la seule logique est impuissante à remplir, et en face desquels, par conséquent,
l'interprétation, qui ne peut refuser les solutions postulées par la vie, a besoin,
pour remplir toute sa mission, de moyens indépendants des sources formelles.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, désormais, l'affirmation de « lacunes
dans le droit » (Lücken im Recht), - susceptible assurément de plus ou moins
d'extension, - établie par le publiciste Jellinek129, comme par le civiliste Zitelmann, est devenue, en Allemagne, une partie de la doctrine générale du droit, et
figure couramment, à ce titre, dans les Manuels le plus en faveur130.
213. Ainsi se trouvait écartée, du champ de la saine recherche juridique, la
fiction de la plénitude logiquement nécessaire du droit positif (die logische Geschlossenheit des Rechts)131, et, par là même, la voie semblait définitivement ouverte
à une investigation, indépendante des sources formelles, qui, seules, représentent
le fonds, strictement positif, du droit.
Pourtant, certains obstacles subsistaient encore, issus de théories, qu'on
croyait pouvoir maintenir à côté du principe désormais reconnu, et qui tendaient
à donner, à la notion de loi positive, une élasticité capable de remplir les lacunes
de son texte formel. - Je ne veux pas parler seulement de l'Analogie, assurément
conservée par tous : car, si elle n'est admise que comme élément d'interprétation
des textes, elle ne doit pas en dépasser la portée, la logique qui l'anime étant inhérente à la volonté des auteurs de la loi ; et, si on y voit un instrument indépendant,
on entre nécessairement avec elle dans le domaine du « freies Recht »132. - Mais, la
science allemande n'était pas restée étrangère à une théorie, qui, voyant dans la loi
écrite un phénomène sociologique plutôt qu'un acte de volonté, devait permettre
126. E. Zitelmann, Lücken im Recht, p. 32-33.
127. E. Zitelmann. op. cit., p. 5-6 ; p. 35-37.
128. Sur les précédents, d'ailleurs assez confus, de la théorie, voy. E. Zitelmann, op. cit., Anm.
14, p. 42-44.
129. G. Jellinek, Allgemeine Staalslehre, 1 A., Berlin, O. Häring, 1900, p. 327-328 ; - 2 À., t. I,
1905, p. 50, p. 51, p. 347-351. - L'État moderne et son droit, trad. G. Fardis. Paris, Giard et Brière, t. I,
1911, p. 535-540.
130. Voy., notamment : B.  Windscheid, Lehrbuch des Pandektenrechts, 9 A. Th. Kipp, t.  I,
Frankfurt a. M., Rütten u. Lœning, t.  I, 1906, §  23, Lücken and Widersprüche (Rechts Analogie),
surtout note 1 b, p. 108-109. - J. Kohler, Lehrbuch des bürgerlichen Rechts, t. I, Berlin, C. Heymann,
1904-1906, §  25, Rechtslücken, p.  82-85. - K.  Hellwig, Lehrbuch des deultchen Civilproceszrechts,
Leipzig, A. Deichert, t. I, 1903, § 7, note 7, p. 38 ; t. II, 1907, § 93. II-V, p. 164-174. - Comp. F. Regelsberger, Pandekten, t. I, Leipzig, 1893, p. 155-156 (§ 38, I). - Stubenrauch, Commentar zum österreichischen allgemeinen bürgerlichen Gesetzbuche, 8 A. V. Bonnot u. K. Schreiber, t. I, Wien, Manz,
1902, sur le § 7, I, p. 40-41. - h. DernBuBg, Das bürgerliche Recht des deutschen Reichs und Preuszens,
3. A., Halle, 1906, t. I, § 19, I, § 30, I-III. - Adde : E. Danz, Fortschritte durch Erkenninis der Läken im
Gesetz, dans Deutsche Juristen-Zeitung, 1914. t. XIX, p. 7-13. - Ph. Heck (Gesetzauslegung und Interessenjurisprudenz), dans Archiv für die civilistische Praxis, 1914, t. 112, p. 157-196 (§ 14) ; p. 224-250
(§ 16). - Et, pour une décision, en ce sens, du Reichsgericht, datant de 1889, voy. A. Düringer, Richter and Rechtsprechung, Leipzig, Veit u. Co., 1909, p. 9.
131. Comp. E. Jung, Das Problem des natürlichen Rechts, Leipzig, Duncker u. Humblot, 1912,
p. 11-16 (§ 1).
132. Comp. Fr. Geny, Méthode d'interprétation et sources, n° 107-108, 1re éd., 1899, p. 264-275 ;
2e éd., t. I, p. 304-316 ; - et nos 165-166, 1re éd., 1899, p. 494-507 ; 2e éd., t. II, p. 117-130.
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