Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 30

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

cassation, basée sur les mêmes motifs que la première, et prononcée toutes
Chambres réunies, impose au tribunal, saisi par nouveau renvoi, de se conformer
à la décision de la Cour régulatrice, sur le point de droit jugé par cette Cour
(art.  2), puisqu'ici l'injonction, émanée de la seconde cassation, conserve un
caractère strictement judiciaire, restant limitée à l'espèce, qui en est l'occasion.
Sans doute, je me propose de le mieux montrer plus tard (voy. ci-dessous, troisième partie, chap. III, nos 178 et sq), par la mission même dont elle est investie, la
Cour de cassation joue un rôle considérable, et qui pourrait devenir prépondérant, dans la mise en œuvre de la méthode juridique. Mais, sa fonction n'en reste
pas moins, exclusivement et strictement, judiciaire. Et, pas plus que les tribunaux,
dont elle contrôle les décisions, elle n'empiète, en aucun cas, ni à aucun degré, sur
la fonction législative.
Cette conclusion me paraît donc inéluctable, dans notre organisation française moderne : que les décisions de jurisprudence ne sauraient contenir des règles
générales, qui aient, pour l'interprète, force obligatoire dans l'avenir.
Par suite, je considère, comme tout à fait téméraire, de prétendre introduire
chez nous les idées, qui ont cours en Grande-Bretagne ou dans la plus grande
partie des États-unis de l'Amérique du Nord. Là, il est vrai, les précédents judiciaires ont une autorité reconnue, à l'effet d'établir des règles de droit qui s'imposent au jurisconsulte75. Et, certains auteurs anglais vont jusqu'à dire, que le
droit positif ne se conçoit pas, comme tel, en dehors de la forme, que lui assignent,
à défaut de lois (Statute), les actes de pratique et surtout les décisions judiciaires76, celles-ci constituant, par elles-mêmes, une coutume génératrice de
droit.  - C'est que, bien qu'en ait pu penser Montesquieu77, la séparation des
pouvoirs, législatif et judiciaire, est moins entière en Angleterre78, surtout à l'encontre du second de ces pouvoirs, que l'ont voulu faire chez nous les lois révolutionnaires79. Et, du moins quand la loi est muette ou insuffisante, le juge anglais,
grâce à une fiction bien connue80, se trouve, non pas sans doute comme le préteur
romain, en vertu d'une sorte de délégation de pouvoirs officiellement reconnue81,
mais après coup et d'une façon tout empirique, dans la mesure des besoins pratiques à satisfaire, investi régulièrement d'une autorité quasi-législative82.
75. Voy. G. Gavet, Sources de l'histoire des institutions et du droit français, 1899, p. 443-445, et les
références. - Voy. en une application, dans une décision de la Haute-Cour de justice d'Angleterre, du
27 novembre 1897, Sir, 99, 4, 9.
76. Voy. notamment : Harrison, dans Journal de droit international privé, de Clunet, 1880,
p. 433-434, p. 541-544, p. 547.
77. Esprit des lois, liv. XI, chap. VI.
78. Comte de Franqueville, Le système judiciaire de la Grande-Bretagne, 1893, t, I. p. 7-8.
79. Ceci répond aux considérations, développées par Ed. Lambert, La fonction du droit doit comparé, Paris, Giard et Brière, 1903, p. 164-166, en faveur d'un assouplissement du principe de la séparation des pouvoirs. Ces considérations ne valent que de lege ferenda ; et, sous ce rapport, je crois leur
avoir fait, ci-dessus t. I, p. 209 (n° 85) toutes les concessions nécessaires.]
80. Rappelée par H. S.  Maine, Études sur l'histoire du droit, trad.  franç., 1889, p.  406-407.
- Adde : A. Morelli. La funsione legislativa, 1893, p. 177-178. - Bertrand. Discours de rentrée à
la Cour de cassation, le 16 octobre 1888, § l, in fine. Le Droit, du 17 octobre 1888, p. 981, col. 2-3 ;
cf. § 2, in medio, col. 4
81. C. Accarias, Précis de droit romain, n° 20, t. I4, 1886, p. 49-52. - Voy. une modification,
assez notable, de cette idée, dans : P. F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, 2e éd., 1898, p. 40.
82. Voy., pour plus d'explications : W.  Black store, Commentaires sur les lois anglaises,
trad. Chompré, t. I, 1822, p. 104-112. - Et, pour les États-unis : Duc de Noailles, Cent ans de République aux États-Unis, 1889, t. II, p. 155-157. - Adde encore : van Bemmelen, Les notions fondamentales,
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