Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 36

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

sur la Juridiction administrative93, M.  Hauriou, tant dans ses notes insérées au
Recueil de Sirey, que dans son Précis de droit administratif (dont il faut consulter
les éditions successives, toujours profondément remaniées), nous avaient largement découvert de véritables courants de jurisprudence, qu'on peut remonter
jusqu'à leur source. Les études d'E. Bartin, comme celles d'Ed. Lambert94,
d'autres encore qu'on y pourrait joindre, ont accentué et amplifié la méthode,
dont les résultats peuvent, dès maintenant, être jugés dans leur ensemble, sinon
dans leurs détails. - Ces résultats sont exactement ceux de toute étude historique,
reposant sur une base sérieuse ; et ceci n'est pas pour nous étonner, la jurisprudence, étudiée dans ses évolutions, n'étant autre chose que l'histoire contemporaine de notre droit positif. D'une part, donc, l'examen de ces évolutions jurisprudentielles nous fait pénétrer, par le menu des faits, dans le fond des questions, et
découvrir, par l'analyse minutieuse des difficultés juridiques, les secrets de leur
nature et les moyens de leur solution. D'autre part, si les données positives, qui se
dégagent de ces évolutions, s'édifient en un système de constructions bien liées, ou
si elles nous représentent comme l'enseignement pratique d'expériences accumulées, la constatation de ces résultats augmentera naturellement notre considération pour la direction juridique, que peut nous fournir la jurisprudence, parce
qu'elle accroîtra, à nos yeux, l'autorité morale, qui s'attache à ses décisions. -
Mais, le grand pas qu'il faudrait franchir, et par lequel nous transformerions cette
autorité morale en une autorité législative ou quasi-législative, je ne vois nulle part
la raison, qui le pourrait décider. Pas plus, je n'aperçois, dans ces études minutieuses de documents de pratique et de décisions judiciaires, de quoi fixer le critérium et déterminer la mesure de l'autorité positive, qu'on attribuerait à la jurisprudence. Or, en l'absence d'une sérieuse précision de sa portée, comme d'une
exacte démonstration de sa vérité, le système, que nous avons rencontré ici, reste
à l'étal de vague desideratum et ne saurait forcer la conviction.
J'irai plus loin, et je tiens, que les applications, qu'on en a proposées, le
montrent inacceptable par une double raison. - Du moment qu'il s'agirait d'ériger la jurisprudence en source formelle positive, je ne puis oublier, qu'elle reste
sujette à variations et à contradictions, sans offrir, par sa constitution même, les
garanties nécessaires à toute création juridique95. - Et surtout, je n'arrive pas à
comprendre, étant donné que le but poursuivi consiste à fournir une direction à
l'interprète, c'est-à-dire au juge, que celui-ci soit renvoyé à ses propres créations,
qu'on ne lui donne d'autre guide ni d'autre point d'appui que lui-même ; en supposant, par un optimisme béat, que la jurisprudence antérieure contient en soi les
germes du développement à venir, et, qu'en s'attachant strictement aux précédents, le juge arrivera à satisfaire les besoins nouveaux96. Écartons toutes les uto93. E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2e éd, 1896.
94. Ed. Lambert, Du contrat en faveur de tiers, 1893. - De l'exhérédation et des legs faits au profil
d'héritiers présomptifs, 1895.
95. [R. Stammler, Die Lehre vom dem richtigen Recht, Halle, 1902, p.  161-162, fait justement
observer, qu'il est absurde d'assujettir les justiciables à ce qui sera jugé.]
96. [On me répond que le juge s'éclairera de tous côtés. Voy. Ed. Lambert, La fonction du droit
civil comparé, Paris, 1903, p. 168-169. - Mais, n'est-ce pas reconnaître la nécessité, de ce que j'appelle la libre recherche scientifique, au défaut des sources formelles (comp. G. Ripert, Droit naturel
et positivisme juridique, marseille, 1918, n° 35, p. 45-46], et passer à côté du problème actuellement
traité, où il s'agirait de savoir, sur quoi se fonde l'autorité législative, prétendue pour la jurisprudence, comme telle ?]
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