Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 46

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

c'était l'idée même, que la caste des juristes fût jamais, à elle seule, capable de créer
un droit coutumier. Car, en concédant à Puchta143 et à Savigny144, que les jurisconsultes puissent le plus souvent traduire, ou, peut-être arrivent à entraîner, dans
leur sens, la conviction populaire, il n'en ressort pas, pourtant, que leurs opinions
ou décisions, en tant qu'elles renferment des règles juridiques nouvelles, constituent, en elles-mêmes, les conditions essentielles pour fonder une coutume obligatoire. Celle-ci n'est établie que par l'usage des intéressés, que qualifie leur sentiment juridique (voy. ci-dessus, n° 119, p. 356-364). Et, si les autorités scientifiques
ou judiciaires auront parfois suggéré ce sentiment ou déterminé cet usage, à coup
sûr, elles ne représentent, de par soi, ni l'un ni l'autre. Le droit sort de la vie agissante, non de spéculations théoriques. Le juriste ne peut pas plus le créer, que le
savant ne crée les éléments naturels, servant de matière à ses découvertes145. Voilà
où, pour ma part, je verrais le point faible de la thèse de Puchta et Savigny, sur
notre question. - Or, si cette idée fut pressentie par beaucoup (on la soupçonne
déjà dans les objections de Beseler), il ne semble pas que, de longtemps, elle ait
été nettement dégagée. D'où, les tâtonnements et les Boitements, que l'on observe
dans la littérature subséquente.
153. Je n'ai pas à parler, ici, des doctrines, purement individuelles, n'ayant
pas laissé trace dans la science, comme celle de Thöl, par exemple, qui, non
content de reconnaître, à la suite de Puchta et de Savigny, la force créatrice d'un
Juristenrecht général, branche détachée du droit coutumier146, prétendait attribuer, en certains cas, du moins, à la pratique judiciaire, la puissance de fonder un
droit nouveau, même au moyen d'une décision unique147.
Mais, pour m'en tenir aux courants, le plus directement dérivés de l'École
historique, tels que m'a permis de m'en rendre compte une documentation malheureusement incomplète, je constate que la doctrine primitive, si étrangement
compliquée déjà par la distinction, qu'elle tentait d'établir, entre l'élaboration
purement scientifique des juristes et leur activité vraiment productive.se retrouve,
plus embarrassée encore, dans ses conclusions, chez des jurisconsultes, qui écrivaient vers le milieu du XIXe siècle. - Wächter, par exemple, tout en inclinant à
écarter l'idée d'une création juridique par la pratique judiciaire (Gerichtsgebrauch)148,
reconnaît qu'il en peut résulter, même directement et immédiatement, un vrai
droit coutumier149 ; tandis qu'il semble, malgré quelque équivoque de pensée et
d'expression, méconnaître, plus formellement (sauf seulement l'autorité morale),
toute production de droit par voie de doctrine150. - un peu plus tard, unger
s'inspire visiblement des mêmes idées, en faisant entendre que, seule, la pratique
143. Kritik von Georg Beseler's, 1844, p. 15-17, p. 15-17, p. 23-24.
144. Traité de droit romain, trad. Guenoux, t. I, 1840, p. 46.
145. Comp.  O.  Stobbe, Hundbuch des deutschen Privatrechts, §  25, texte et note 3, t.  I2, 1882,
p. 170. - E. Picard, Le droit pur. Permanences juridiques abstraites, 1899. p. 184.
146. H. Thöl, Einleitung in das deutsche Privatrecht, 1851, p. 131. - Cpr. p. 139.
147. H. Thöl, Einleitung, 1851, § 54, p. 136-138. Das Handelsrecht, § 14, t. I6, 1879, p. 55-57. -
Voy. des idées, plus singulières encore, chez Maurenbrecher, Lehrbuch des gemeinen deutschen Privatrechts, t. I2, 1840, §§ 30, 31, 114.
148. Wächter, Württemb. Privatrecht, t. II, 1842, § 10, 1, p. 41-43.
149. Wächter, op.  cit., t.  II, §  10, 2, p.  44. - Et, plus nettement : Beitrag zu der Lehre vom
Gerichtsgebrunch, dans Archiv für die civilistische Praxis, t. XXIII, 1840, p. 432 et sq.
150. Wächter, Württemb. Privatrecht, t. II, 1842, § 10, in fine, p. 47-48. - Cette distinction se
rencontre déjà dans N. Falce, Encyclopédie juridique, (1re éd. 1821), § 10, trad. Pellat, 1841, p. 20-22.
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