Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 62

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

pleinement sa mission. Au lieu et place de conceptions subjectives, que leur origine
rend inconsistantes et incertaines, l'interprète a besoin de découvrir des principes
fermes43, que seul l'examen attentif de la nature des choses peut lui donner44.
159.  Ainsi, nous en arrivons à faire porter l'effort principal de la libre
recherche, poursuivie par des procédés scientifiques, sur cette notion, à la fois
imprécise et féconde, de la nature des choses, qui, signalée aux investigations des
jurisconsultes, dès 1791, par le germaniste Runde45, n'a guère manqué, depuis
lors, d'être mentionnée, dans la science juridique allemande, comme un succédané
des sources formelles positives46, encore que l'on en ait, plus d'une fois, contesté le
mérite intrinsèque47, et que Windscheid48 ait pu la flétrir, comme une expression
justement décriée.
Peut-être, aussi bien, le discrédit, dont paraît menacée cette notion, à mon
avis, indispensable, dans tout système de droit positif, serait-il assez facilement
évité, si, mieux qu'il n'a été fait jusqu'alors, on parvenait à en déterminer l'essence
et à en montrer la productivité effective.
Telle que l'avait indiquée Runde et qu'elle a été comprise à sa suite, la nature des
choses, envisagée comme source (lato sensu) du droit positif, repose sur ce postulat,
43. Sur la nécessité des principes, dans l'élaboration juridique, voy. R. Saleilles, en Revue intern.
de l'enseignement, 1890, 1°, t. XIX, p. 496-497. Le principe, à la différence du système, doit échapper
à toute conception subjective, et se présenter comme simple synthèse de réalités. Cpr., sur cette opposition, Hubert-Valleroux, dans La Réforme sociale, n° du 1er mai 1898, t. XXXV, p. 738 : « Il est
certain que le système dit du risque projessionnel, - car, c'est un système et non un principe, - jouit
actuellement d'une faveur éclatante ».
44. D'ailleurs, la conception peut, à la longue, et dans certains cas, devenir réalité, et alors, s'imposer au jurisconsulte. Ainsi, la conception moderne de l'obligation, envisagée comme valeur patrimoniale, par opposition à l'ancienne conception romaine, qui y voyait un lien purement personnel.
Cpr. E. Gaudemet, Étude sur le transport de dettes à titre particulier, 1898, p. 27-32, p. 155-183, p. 191194, p. 287-290. - Idéales, d'après leur nature, ces deux notions sont bien devenues, chacune en son
temps, des réalités sociales.
45. Dans ses Grundsätse des gemeinen deutschen Privatrechts. - Je n'oublie pas la célèbre définition de Montesquieu, Esprit des lois, liv. I, cap. I, initio. Mais elle n'était pas écrite en vue de l'interprétation du droit positif.
46. Voy. notamment : H. Thöl, Einleitung in das deutsche Privatrecht, 1851, § 29, in fine, p. 81 et
§ 57, C, p. 144. - R. von Jhering, Geist des römischen Rechts, Theil II, Abth. 2, 4e éd., 1883, p. 388 ;
3e éd., de Meulenaere, t. III, p. 78 ; et Unsere Aufgabe, dans Jahrbücher für die Dogm., t. I, p. 8, p. 17.
- L. v. Bar, Théorie und Praxis des internationalen Privatrechts, 2e éd, 1889, t. I, § 32, notamment,
p. 106 et 113. - O. Stobbe, Handbuch des deutschen Privatrechts, § 25, I, in fine, t. I2, 1882, p. 169. -
L. Goldschmidt, Handbuch des Handelsrechts, t. I2, 1874-1875, p. 302, p. 305 ; voy. note 7. - F. Adickes,
Zur Lehre von den Rechtsquellen, 1872, p. 14, p. 22, p. 67 et sq. - H. Dernburg, Pandekten, § 38, in fine,
t. I2, 1896, p. 87-88. - F. Regelsberger, Pandekten, t. I, 1893, § 12, p. 68. Cpr. p. 84-85. - Jacobi, dans
Jherings Jahrbücher, 1896, t.  XXXV, p.  8. [- R.  Leonhard, Der allgemeine Theil des bürgerlichen
Gesetzbuchs in seinem Einflusse auf die Fortentwickelung der Rechtswissenschaft, Berlin, Guttentag,
1900, p. 40 (§ 15, II). - H. Dernburg, Das bürgerliche Recht des deutschen Reichs und Preuszens, 3 A.,
t. I, 1906, p. VII (Vorwort zur 3 Auflage), p. VIII-X (Vorwort zur 1 A.) et p. 85 (§ 30, II). - L. Brütt,
Die Kunst der Rechtsanwendung, Berlin, 1907. p. 159-161 (§ 10). - A. von Tuhr, Der allg. Theil des d. b.
Rechts, t. I, Leipzig, 1910, p. 44-45.] - Adde : Motive zu dem Entw. eines B. G., t. I, 1888, p. 17. - Voy.
encore : E. Picard, Le droit pur, 1899, § CLXIV, p. 371-375.
47. Voy., par ex. Gerber, Das wissenschaftl. Princip des gem. deutschen Privatrecht, 1846, p. 58 et
sq., p.  311 et sq.  - Cpr.  O.  Gierke, Deutsches Privatrecht, t.  I, 1895, §  21, in fine, p.  181-182. -
Adde Bekker, Ernst and Scherz über unsere Wissenschaft, 1892, p. 102. [- E. R. Bierling, Juristische
Prinzipienlehre, Tübingen, t. IV, 1911, p. 419 (§ 57, n° 8) et p. 422 (§ 57, n° 10).]
48. Lehrbuch des Pandektenrechts, § 23, note 1 a, t. I7, 1891, p. 58 : « einem allerdings etwas
verschrieenen, und nicht mit unrecht verschrieenen Aus-drück » - Cpr. § 22, note 8, et § 28, note 4,
t. I7, p. 57 et p. 67. [- Mais voy. l'addition, de Th. Kipp, à la note 8 du § 22, dans la 9e édition, 1906.
p. 105-106.]
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